Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6628

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Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 552-553).

6628. — À M. DAMILAVILLE.
22 décembre.

Mon cher ami, l’autre Sémiramis ne valait pas celle-ci[1] : le Ninus[2] n’était qu’un vilain ivrogne. J’admire sa veuve, je l’aime à la folie. Les Scythes deviennent nos maîtres en tout : voilà pourtant ce que fait la philosophie. Des pédants chez nous poursuivent les sages, et des princesses philosophes accablent de biens ceux que nos cuistres voudraient brûler.

Que M. de Beaumont fasse comme il voudra, mais je veux avoir son mémoire, je veux donner aux Sirven la consolation de le lire. Songez bien, encore une fois, que, si nous n’avons pas le bonheur d’obtenir l’évocation, nous aurons pour nous le cri de l’Europe, qui est le plus beau de tous les arrêts. Je compte toujours que M. Chardon sera le rapporteur. Pour moi, si j’étais juge, je condamnerais le bailli de Mazamet à faire amende honorable, à nourrir et à servir les Sirven le reste de sa vie.

Je doute fort que le roi permette la convocation des pairs au parlement de Paris. Ou je me trompe fort, ou il en sait beaucoup plus qu’eux tous : il apaise toutes les noises en temporisant.

Genève est un peu plus difficile à mener que notre nation, mais à la fin on en vient à bout.

J’embrasse tendrement le favori de ma Catherine[3]. Je vais écrire à ma Catherine, et lui dire tout ce que je pense d’elle. Mandez-moi des nouvelles de la pomme de Guillaume Tell : vous êtes Normand, vous devez vous intéresser aux pommes.

Ô comme je vous embrasse !

Je vous prie, mon cher ami, de m’envoyer une lettre de change sur Lyon, de cinquante louis, dont voici la quittance. L’affaire de Lembreta[4] traîne un peu en longueur ; mais elle se fera, malgré le dérangement où l’on est.

  1. Catherine II.
  2. Pierre III.
  3. Diderot.
  4. D’Alembert.