Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6693

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 65-66).
6693. — À M. D’ALEMBERT.
À Ferney, 28 janvier.

Mon cher philosophe, je vous ai déjà mandé[1] qu’il y a cent lieues entre Ferney et Genève ; rien ne peut passer en France, pas même un problème de géométrie. J’éprouve la guerre et la famine. Les maux causés par la rigueur de la saison me tiennent lieu de peste ; il ne me manque plus rien. On dit que vous avez été comparé à Socrate[2] ; mais Socrate n’écrivit rien, et vous écrivez des choses charmantes. Vous n’avez point eu d’Alcibiade, et vous ne boirez point de ciguë. Je vous comparerais plutôt à Pascal vivant dans le monde.

Il y a deux mois que je n’ai vu Cramer ; l’esprit malin s’est emparé de notre petit pays : c’est la discorde en Laponie.

Est-il vrai que le secrétaire[3] est en Italie ? Je me flatte que notre nouveau confrère va bien vous seconder dans votre dessein de rendre la littérature libre et respectable.

Je suis bien content de votre correspondant berlinois[4] ; s’il persévère, il faut tout oublier.

  1. Lettre 6681.
  2. C’est Thomas qui avait fait cette comparaison dans son discours de réception à l’Académie française.
  3. Duclos, secrétaire perpétuel de l’Académie française.
  4. Frédéric II, roi de Prusse.