Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6725

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 92).
6725. — À M. DE CHENEVIÈRES[1].
Ferney, 6 février.

Vraiment, mon cher ami, vous auriez bien raison de me venir voir ; j’appartiens de droit à présent à vos hôpitaux militaires. Nous sommes en guerre, je suis malade, et j’ai manqué un jour de bouillon. J’ai été bloqué par le cordon de troupes qui entoure Genève ; mais M. le duc de Choiseul a eu pitié de moi. Je ne m’en porte pas mieux ; je suis au milieu de trente lieues de neiges, impotent et perdant les yeux ; c’est mon revenu de tous les hivers. Je commence à me dégoûter fort de la retraite que j’ai choisie. Elle ne produit rien ; il n’y a de beau que le paysage, et cette beauté n’est pas pour les aveugles. Je ne sais comment les choses de ce monde sont arrangées, mais il me semble qu’on finit toujours tristement.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.