Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6769

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 134-135).
6769. — À M. CHRISTIN.
25 février.

Mon cher avocat philosophe, il y a plus de cent lieues malheureusement de Saint-Claude à Ferney, et le chemin ne s’accourcira pas de sitôt. On dit que vous avez reçu pour moi un gros paquet de livres d’envoi de ce pauvre Fantet ; je vous supplie de l’ouvrir, de lui renvoyer sa Matière médicale en dix volumes, dont je n’ai que faire : il y a là de quoi empoisonner un royaume. Je me contente de ma casse, et je ne veux pas d’autre remède.

Je vous envoie six exemplaires de la deuxième édition du Commentaire[1]. Je ne risque que cette demi-douzaine, crainte des écornifleurs. M. Servan, avocat général de Grenoble, a fait un discours très-pathétique sur le même sujet[2] ; il est imprimé, et vous l’avez peut-être vu. La raison et l’humanité commencent à percer de tous côtés. L’impératrice de Russie m’écrit ces propres mots[3] : Malheur aux persécuteurs ! ils méritent d’être mis au rang des furies. Mais tandis que la raison parle, le fanatisme hurle ; on poursuit Fantet ; on en poursuit bien d’autres. M. Le Riche se signale en faveur de Fantet. J’espère qu’il viendra à bout de mettre un frein à la persécution. Si j’étais plus jeune, si je pouvais agir, je ne laisserais pas accabler ainsi un infortuné. Je fais de loin ce que je puis, et c’est fort peu de chose.

Mme Denis vous fait bien ses compliments : je vous embrasse de tout mon cœur. Écr. l’inf…

  1. Sur le Traité des Délits et des Peines ; voyez tome XXV, page 539.
  2. Discours sur l’administration de la justice criminelle, 1767. in-8o.
  3. Voyez lettre 6664.