Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6858

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 234-235).
6858. — À M. MOULTOU[1].
24 avril 1767.

Voilà deux grandes nouvelles, mon cher philosophe : voilà une espèce de persécuteurs bannie de la moitié de l’Europe[2], et une espèce de persécutés qui peut enfin espérer de jouir des droits du genre humain, que le révérend père La Chaise et Michel Le Tellier leur ont ravis.

Il faudrait piquer d’honneur M. de Maupeou. Je réponds bien de M. le duc de Choiseul et de M. le duc de Praslin ; mais dans une affaire de législation le chancelier a toujours la voix prépondérante.

Mme la duchesse d’Enville est à la Rocheguyon ; mais écrivez-lui, flattez sa grande passion, qui est celle de faire du bien, et qui vous est commune avec elle. Elle est capable d’aller exprès à Versailles.

Le succès d’une pareille entreprise rendrait le roi cher à l’Europe. Est-il possible que les Turcs permettent aux chiens de chrétiens (comme ils les appellent) de porter leur Dieu dans les rues et de chanter : Ô fili ! ô filiæ ! à tue-tête, tandis que les Welches ne permettent pas à d’autres Welches de se marier ! La conduite Welche est si folle et si odieuse qu’elle ne peut pas durer[3].

Je vous embrasse tendrement. Je n’ai pas un moment à moi. J’attends le livre de M. de Serres.

  1. Éditeur, A. Coquerel.
  2. Les jésuites.
  3. Il s’agit ici des lois qui déclaraient nuls les mariages protestants, et d’après lesquelles les héritages de leurs enfants étaient réclamés avec plein succès par tout collatéral qui se déclarait catholique. Plusieurs procès eurent lieu à ce sujet sous Louis XV et Louis XVI, et de nombreux mémoires furent publiés, de part et d’autre, sur cette question. Ceux de Malesherbes, de Rippert de Monclar, de Turgot, de Target, de Condorcet, de Gilbert de Voisins et de Robert de Saint-Vincent, contribuèrent pour beaucoup à l’émancipation civile des protestants. (Note du premier éditeur.)