Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6866

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6866. — DU CARDINAL DE BERNIS.
À Alby, le 30 avril.

J’ai lu, mon cher confrère, les Scythes imprimés, avec l’éloge des deux grands satrapes de Babylone. J’ai trouvé dans cette pièce des changements heureux, et plusieurs morceaux qui prouvent que vous pouvez encore remplir cette carrière avec plus de force et d’intérêt que nos jeunes gens. Si vous m’envoyez des vers, faites en sorte que je puisse m’en vanter. Je ne suis ni pédant, ni hypocrite ; mais sûrement vous seriez bien fâché que je ne fusse pas ce que je dois être et paraître. Vous me ferez grand plaisir de m’envoyer les mémoires des Sirven. Je suis très-disposé à trouver innocents les malheureux ; on ne peut d’ailleurs être plus éloigné que je le suis du fanatisme en tout genre. J’aime l’ordre et la paix. L’humanité a sur moi les droits les plus étendus. À propos d’humanité, avez-vous lu le discours d’un avocat général de Grenoble ? Quoiqu’il donne quelquefois dans l’enflure et l’enluminure modernes, on ne peut s’empêcher d’être remué en lisant cet ouvrage. Finissez votre petite guerre. Prolongez, embellissez votre couchant, en riant des ridicules, en donnant aux jeunes écrivains des leçons et des exemples, et en faisant les délices de vos amis. Adieu, mon cher confrère ; je vous aime autant que je vous admire.

Je n’approuve pas que la Sorbonne censure Bélisaire, qui respire les bonnes mœurs, et je n’approuve pas non plus que notre confrère se soit exposé à la censure par un chapitre épisodique[1], et qui ne tient à rien.

  1. Le chapitre xv, sur lequel portait principalement la censure de la Sorbonne. (Note de Bourgoing.)