Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6904

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6904. — À M. LE MARQUIS ALBERGATI CAPACELLI.
À Ferney, 2 juin.

Vous envoyez, monsieur, des tableaux à un aveugle, et des filles à un eunuque ; l’état où je suis tombé ne me permet plus de lire. Un homme, qui prononce fort mal l’italien, m’a lu une partie de votre traduction du Comminges[1]. Il m’a fait entendre, dans son baragouin, de beaux vers sur un triste sujet. Le saint homme Rancé ne s’attendait pas que ses moines fussent un jour le sujet d’une tragédie. Les jésuites fournissent actuellement une matière plus intéressante. Je les recommande à quelque muse : la mienne, aussi languissante que mon corps, ne peut plus chanter les moines. Portez-vous mieux que moi, et vivez.

  1. Les Amants malheureux ou le Comte de Comminges, drame en trois actes et en vers, par d’Arnaud-Baculard, avait été imprimé en 1764.