Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6926

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 302).
6926. — À M. FABRY[1].
Vendredi à midi, 1er juillet.

Pierre Servetaz, manouvrier à Ferney, ayant loué de Durant un appartement au village de Ferney, fut obligé d’en sortir lorsque les troupes arrivèrent, et de céder cet appartement aux soldats.

N’ayant aucun endroit pour se mettre à couvert, le nommé Lareine lui loua une partie de sa cuisine, où il se retira avec sa femme et son enfant. On lui a fait fournir une paire de draps, qu’il est obligé de changer tous les quinze jours, et comme il n’en a que deux paires en tout, lui, sa femme et son enfant, sont obligés de coucher nus sur la paille pendant qu’ils blanchissent la seule paire de draps qui leur reste.

On a placé dix-neuf grenadiers dans la cuisine où il couche, pour y faire leur potage.

Ces grenadiers lui ont brûlé sept fascines de bois qu’il avait.

Il a sa femme enceinte, et qui doit accoucher dans peu de temps, et elle n’a aucun endroit que la cuisine où les dix-neuf grenadiers font leur potage. Durant veut aussi lui faire payer six patagons pour le louage de sa maison, de laquelle on l’a obligé de sortir, ne jouissant que d’un petit jardin et chenevier qu’on lui a tout dévastés.

(De la main de Voltaire.) Je supplie M. Fabry de vouloir bien avoir pitié de cette pauvre femme. J’ai l’honneur de lui présenter mes respectueux sentiments.

  1. Éditeurs, Bavoux et François.