Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6953

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6953. — DE M. ROUSSEAU,
conseiller de la cour de gotha.
à M. la beaumelle[1].
De Gotha, ce 24 juillet 1767.

Monsieur, l’indisposition de Son Altesse sérénissime madame la duchesse l’empêche de répondre elle-même à votre lettre du 18 juin, dans laquelle vous vous plaignez, monsieur, d’un outrage qu’on a fait à votre réputation, en recourant à son témoignage et à celui de monseigneur le duc. Elle m’a ordonné de vous assurer, de sa part et en son nom, qu’elle se rappelait très-bien d’avoir dit à M. de Voltaire que vous étiez parti de Gotha avec une gouvernante d’enfants qui s’était éclipsée furtivement de la maison de sa maîtresse après s’être rendue coupable de plusieurs vols, mais qu’elle ne lui a jamais dit, ni qu’elle n’avait jamais cru que vous eussiez la moindre part aux vols et à la mauvaise conduite de cette personne. Voilà le témoignage qu’elle croit devoir rendre à la vérité.

Après m’être acquitté des ordres de Son Altesse sérénissime madame la duchesse, permettez-moi, monsieur, de vous témoigner la part que je prends à ce qui vous arrive, et de vous représenter en même temps combien il doit être désagréable à des souverains qui aiment les sciences, et qui protègent et accueillent ceux qui les cultivent, de voir après cela qu’on fasse intervenir leurs noms dans les tracasseries qui font si peu d’honneur aux gens de lettres.

J’ai l’honneur d’être, avec une parfaite considération, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Rousseau.

  1. Éditeurs, Bavoux et François.