Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6999

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 362-363).
6999. — À M. VERNES.
1er septembre.

Voici, monsieur, les paroles de Sanchoniathon : « Ces choses sont écrites dans la Cosmogonie de Thaut, dans ses mémoires, et tirées des conjectures et des instructions qu’il nous a laissées. C’est lui qui nomma les vents du septentrion et du midi, etc… Ces premiers hommes consacrèrent les plantes que la terre avait produites : ils les jugèrent divines, et vénérèrent ce qui soutenait leur vie, celle de leur postérité et de leurs ancêtres, etc. »

Au reste, mon cher monsieur, il se pourrait très-bien que Sanchoniathon eût dit une sottise, ainsi que des gens venus après lui en ont dit d’énormes.

L’affaire des Sirven n’a pu être encore rapportée, parce que M. d’Ormesson[1] a été malade : du moins on donne cette excuse, mais il se pourrait bien que le crédit des ennemis en fût la véritable raison. La malheureuse aventure de Sainte-Foy sur les frontières du Périgord, vingt-quatre pauvres diables de huguenots décrétés, le fatal édit de 1724 renouvelé dans le Languedoc[2], et enfin le malheur de Sirven, qui n’a point de jolie fille pour intéresser les Parisiens, tout cela pourrait nuire à la cause de cet infortuné.

Je vous envoie, mon cher philosophe huguenot, une petite Philippique[3] que j’ai été obligé de faire. L’ami La Beaumelle s’en est mal trouvé. Le commandant de la province l’a un peu menacé, de la part du roi, du cachot qu’il mérite. Je suis très-tolérant, mais je ne le suis pas pour les calomniateurs. Il faut d’une main soutenir l’innocence, et de l’autre écraser le crime. Je vous embrasse en Jéhovah, en Knef, en Zeus ; point du tout en Athanase, très-peu en Jérôme et en Augustin.

  1. Louis-François de Paule Lefèvre d’Ormesson de Noyseau était président au parlement depuis 1788 ; il devint premier président en 1788, et mourut le 2 février 1789. Le chevalier de La Barre était de sa famille ; voyez tome XXV, page 504.
  2. L’édit du 14 mai 1724 défendait aux protestants, sous les peines les plus graves, l’exercice de leur religion, leur ordonnait de faire élever leurs enfants dans la religion catholique, etc., etc. (B.)
  3. Le Mémoire qui est tome XXVI, page 355.