Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 7079

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 439-440).
7079. — À M. DE CHABANON.
30 novembre.

L’anecdote parlementaire que vous avez la bonté de m’envoyer, mon cher ami, m’est d’autant plus précieuse qu’aucun écrivain, aucun historien de Louis XIV n’en avait parlé jusqu’à présent.

Et voilà justement comme on écrit l’histoire.

<divp>(Chariot, acte I, scène vii.)

Vous êtes bien plus attentif que le victorieux auteur[1] de l’Éloge de Charles V. Il ne m’a point appris d’anecdotes, car il ne m’a point écrit du tout. Je présume qu’il passe fort agréablement son temps avec quelque fille d’Aaron-al-Raschild[2].

Je ne sais pas la moindre nouvelle des tripots de Paris. J’ignore jusqu’aux succès des doubles-croches de Philidor, et je suis toujours très-affligé de l’aventure des croches de notre ami M. de La Borde. J’ai sa Pandore à cœur, non parce que j’ai fourni la toile qu’il a bien voulu peindre, mais parce que j’ai trouvé des choses charmantes dans son exécution ; et je souhaite passionnément qu’on joue le péché originel à l’Opéra. Vous me direz qu’il ne mérite d’être joué qu’à la foire Saint-Laurent : cela est vrai, si on le donne sous son véritable nom ; mais, sous le nom de Pandore, il mérite le théâtre de l’Académie de musique. Je vous prie toujours d’encourager M. de La Borde : car pour vous, mon cher ami, je vous crois assez encouragé à établir votre réputation en détruisant l’empire romain. Mais commencez par établir un théâtre, vous n’en avez point. La Comédie française est plus tombée que l’empire romain.

Nous n’avons plus de soldats dans nos déserts de Ferney. L’arrêt des augustes puissances contre les illustres représentants est arrivé, et a été plus mal reçu qu’une pièce nouvelle. Vous ne vous en souciez guère, ni moi non plus.

Maman et toute la maison vous font les plus tendres compliments ; j’enchéris sur eux tous.

  1. La Harpe.
  2. La Harpe s’occupait de sa tragédie des Barmécides.