Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 7105

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Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 462-463).
7105. — À M. MOULTOU[1].
23 décembre 1767, à Ferney.

Mon cher philosophe, l’affaire des Sirven devient d’une importance extrême ; le rapporteur me demande un écrit imprimé depuis quelques mois à Toulouse, dans lequel on justifie l’assassinat juridique des Calas ; les maîtres des requêtes, qui ont déclaré unanimement la famille innocente, y sont très-mal traités ; leur tribunal y est déclaré incompétent et leur jugement injuste. J’ai malheureusement perdu cet écrit précieux, qui doit être une pièce produite au procès ; je ne me souviens plus du titre ; il me semble que c’était une lettre adressée à un correspondant imaginaire, comme celles de Vernet. Je vous demande en grâce d’écrire sur-le-champ à vos amis du Languedoc qu’il faut qu’ils déterrent cette lettre et qu’ils l’envoient en droiture à M. de Chardon, maître des requêtes, sous l’enveloppe de M. le duc de Choiseul. Cela est, encore une fois, de la dernière importance. Il n’y a point de peine qu’on ne doive prendre pour recouvrer cet ouvrage. C’est un préliminaire nécessaire pour casser le dernier arrêt de Toulouse, qui révolte tout le monde.

Je me porte fort mal, mais je mourrai content avec l’espérance de voir la tolérance rétablie ; l’intolérance déshonore trop la nature humaine. Nous avons été trop longtemps au-dessous des Juifs et des Hottentots. — Je vous embrasse bien tendrement, mon cher philosophe. Vous devriez bien venir quelque jour coucher chez nous ; nous causerions.

  1. Éditeur, A. Coquerel.