Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7148

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 501-502).
7148. — À M. L’ABBE MORELLET.
22 janvier.

Vous savez, monsieur, qu’on a donné six cents francs de pension à celui qui a réfuté Fréret[1] ; en ce cas, il en fallait donner une de douze cents à Fréret lui-même. On ne peut guère réfuter plus mal. Je n’ai lu cet ouvrage que depuis quelques jours, et j’ai gémi de voir une si bonne cause défendue par de si mauvaises raisons. J’admire comme cet écrivain soutient la vérité par des bévues continuelles, et suppose toujours ce qui est en question. Il n’appartient qu’à vous, monsieur, de combattre avec de bonnes armes, et de faire voir le faible de ces apologies, qui ne trompent que des ignorants. Grotius, Abbadie, Houleville, ont fait plus de tort à notre sainte religion que milord Shaftesbury, milord Bolingbroke, Collins, Woolston, Spinosa, Boulainvilliers, Boulanger, La Mettrie, et tant d’autres.

Je ne sais comment on a renouvelé depuis peu une ancienne plaisanterie[2] de l’auteur de Mathanasius. Un de mes amis est au désespoir qu’on ose lui attribuer cette brochure, imprimée en Hollande il y a quarante ans. Ces rumeurs injustes peuvent faire un tort irréparable à mon ami ; et vous savez quels sont les droits de l’amitié. C’est au nom de ces droits sacrés que je vous conjure de détruire, autant qu’il sera en vous, une calomnie si dangereuse.

Au reste, je suis tout à vos ordres, et vous pouvez compter sur l’attachement inviolable de votre très-humble et très-obéissant serviteur.

L’abbé Yvroye.

  1. L’abbé Bergier a publié la Certitude des preuves du christianisme, 1767 deux parties in-12. C’est une réfutation de l’Examen critique, etc., publié sous le nom de Fréret ; voyez tome XXVII, page 35 ; et XLIV, 257, 317.
  2. Le Dîner du comte de Boulainvilliers, que Voltaire fit imprimer sous le nom de Saint-Hyacinthe ; voyez tome XXVI, page 531.