Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7187

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 540-541).
7187. — À M. DUTENS[1].
Ferney, 29 février.

Vous rendez, monsieur, un grand service à la littérature en imprimant toutes les œuvres de Leibnitz : vous faites à peu près comme Isis, qui rassembla, dit-on, les membres épars d’Osiris pour le faire adorer.

Peut-être mon culte pour les monades et pour l’harmonie préétablie n’est-il pas violent ; mais enfin Newton a commenté l’Apocalypse, et n’en est pas moins Newton. Leibnitz était un prodigieux polymathe, et, ce qui est bien plus, il avait du génie ; mais il y a encore loin de là à la vérité démontrée ; Newton a trouvé cette vérité,

Nec propius fas est mortali attingere divos[2].

  1. Éditeurs, de Cayrol et François. — Dutens, né à Tours le 15 janvier 1730. Il donna en 1768 une édition des œuvres de Leibnitz, six volumes in-4°. Il est l’auteur des Recherches sur l’origine des découvertes attribuées aux modernes, du Voyageur qui se repose, etc., ouvrages à la fois savants et spirituels ; mort en 1812.
  2. Dans l’édition Beuchot, on trouve à la date du 9 juin 1768 un billet analogue :


    « Monsieur, vous rendez un grand service aux lettres, et vous me faites un présent dont je sens tout le prix. Vous êtes comme Isis, qui rassembla tous les membres épars d’Osiris, et qui le fit adorer. Je croirai posséder Leibnitz chez moi, si jamais vous me faites l’honneur de venir dans mon ermitage.
    « Pardonnez à un vieux malade s’il ne vous remercie pas plus au long, je n’en suis pas moins pénétré de reconnaissance, et de tous les sentiments que je vous dois. J’ai l’honneur d’être, monsieur, votre, etc. »