Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7338

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 122).
7338. — À M. DE LA TOURETTE.
À Ferney, 18 septembre.

Vous allez vous réjouir, monsieur, et vous faites fort bien. On ne peut mieux prendre son temps pour aller voir le pape, que lorsqu’on lui donne des nasardes en lui baisant les pieds. Je ne suis lié à présent avec personne en Italie, et je me suis retranché presque toutes mes correspondances. Il n’y a peut-être que deux personnes à qui je pourrais écrire : l’une est le marquis Beccaria, à Milan ; l’autre, le marquis Albergati, à Vérone. Celui-là joue la comédie tant qu’il peut, et est, dit-on, bon acteur. Si vous voulez, je leur écrirai, et je me vanterai d’avoir l’honneur de vous connaître. J’attends sur cela vos ordres. Pour moi, je ne dois attendre de Rome que des excommunications. Vous recevrez plus de bénédictions des dames que du pape. Vous entendrez de la belle musique, qui n’est plus faite pour mes oreilles dures ; vous verrez de beaux tableaux dont mes yeux affaiblis ne pourraient plus juger ; et vous rencontrerez des Arlequins en soutane, qui ne me feraient plus rire.

Je vous souhaite un bon voyage. J’ai l’honneur d’être avec les sentiments les plus respectueux et les plus tendres, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.

Je présente mes respects à toute votre famille.