Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7388

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 165-166).
7388. — À M. CHRISTIN.
13 novembre.

Nous ne savez pas, mon cher petit philosophe, combien je vous regrette. Je ne peux plus parler qu’aux gens qui pensent comme vous ; il n’y a que la communication de la philosophie qui console.

On[1] me mande de Toulouse ce que vous allez lire : « Je connais actuellement assez Toulouse pour vous assurer qu’il n’est peut-être aucune ville du royaume où il y ait autant de gens éclairés. Il est vrai qu’il s’y trouve plus qu’ailleurs des hommes durs et opiniâtres, incapables de se prêter un seul moment à la raison ; mais leur nombre diminue chaque jour ; et non-seulement toute la jeunesse du parlement, mais une grande partie du centre et plusieurs hommes de la tête vous sont entièrement dévoués. Vous ne sauriez croire combien tout a changé depuis la malheureuse aventure de Calas. On va jusqu’à se reprocher le jugement rendu contre M. Rochette[2] et les trois gentilshommes ; on regarde le premier comme injuste, et le second comme trop sévère. »

Mon cher ami, attisez bien le feu sacré dans votre Franche-Comté. Voici un petit ABC[3] qui m’est tombé entre les mains : je vous en ferai passer quelques-uns à mesure ; recommandez seulement au postillon de passer chez moi, et je le garnirai a chaque voyage. Je vous supplie de me faire venir le Spectacle de la Nature, les Révolutions de Vertot, les Lettres américaines sur l’Histoire naturelle de M. de Buffon ; le plus tôt c’est toujours le mieux : je vous serai très obligé. Je vous embrasse le plus tendrement qu’il est possible.

  1. C’était l’abbé Audra ; voyez lettre 7442.
  2. Ministre protestant qui avait été pendu en 1762 ; voyez tome XLI, page 490.
  3. Tome XXVII, pages 311-400.