Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7432

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 209-210).
7432. — À M. LE THINOIS,
avocat.
27 décembre.

Je vous remercie, monsieur, de l’éloquent mémoire[1] que vous avez bien voulu m’envoyer. Ce bel ouvrage aurait été soutenu de preuves, si votre Nègre des Moluques avait voulu vous instruire de l’âge auquel le roi son père le fit voyager ; du nombre et des noms des grands de sa cour, qui sans doute accompagnèrent le dauphin de Timor ; des particularités de ce pays, de sa religion, de la manière dont le révérend père dominicain, son précepteur, s’y prit pour vendre le duc et pair nègre, les écuyers et les gentilshommes de la chambre du dauphin, et pour changer Son Altesse royale en garçon de cuisine.

L’île de Timor a toujours passé pour un pays assez pauvre, dont toute la richesse consiste en bois de sandal. Franchement, monsieur, l’histoire de ce prince n’est pas de la plus grande vraisemblance : tout ce qu’on vous accordera, c’est que le Père Ignace est un fripon ; mais il est bien étonnant qu’un dominicain s’appelle Ignace ; vous savez que les jésuites et les jacobins se sont toujours détestés, eux et leurs saints.

Quoi qu’il en soit, monsieur, si le conseil n’a point eu d’égard à votre requête, il a sans doute rendu justice à votre manière d’écrire : il n’a pu vous refuser son estime, et je pense comme tout le conseil.

J’ai l’honneur d’être avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre, etc.

  1. Requête au roi pour Balthazar-Pascal Celze, fils ainé du roi, et héritier présomptif du royaume de Timor et de Solor dans les Moluques : Paris, 1768, in-4° de xxxi.