Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7471

La bibliothèque libre.
7471. — À M. LE COMTE DE FÉKÉTÉ.
À Ferney, 3 février.

Monsieur, c’en est trop de moitié. Vous m’envoyez de très-jolis vers et du vin de Hongrie. Je reçois les vers avec le plus grand plaisir du monde ; mais je suis honteux de tant de vin. Vous me prenez pour un Polonais.

Voici une des bagatelles que vous daignez me demander. Vous ne trouverez, je crois, personne sur les frontières de la Hongrie qui se connaisse en vers français. Il n’y avait guère que M. le duc de Bragance qui pût vous servir de second.

Je ne présume pas que vous ayez la guerre sitôt, à moins que vous ne vouliez la faire absolument. J’imagine que vous vous contenterez des lauriers d’Apollon encore deux ou trois années. Puissent toutes les guerres ressembler à celle de Genève ! Elle n’a été que ridicule, et on a fini par boire ensemble.

Vous voulez, monsieur, me faire l’honneur de me voir face à face ; mais pour cela il faudrait que j’eusse une face, et un squelette de soixante-quinze ans n’en a point. Je ressemble à la nymphe Écho, je n’ai plus que la voix, et encore elle est rauque ; mais je sens vivement votre mérite et vos bontés.

J’ai l’honneur d’être, etc.,

l’Ermite des Alpes.