Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7475
Je suis partagé, mon cher ami, entre le plaisir que m’ont donné les beaux morceaux de votre pièce, et la reconnaissance que je vous dois pour votre préface. Vous n’empêcherez pas les Welches d’être toujours Welches ; mais les véritables Français penseront comme vous. Votre pièce[1] serait encore plus belle si vous aviez donné plus d’étendue aux sentiments, et si l’action avait été un peu plus filée ; mais, telle qu’elle est, elle doit vous faire beaucoup d’honneur.
Ne va-t-on pas jouer incessamment le cœur[2] du sire de Coucy en ragoût ?
Nil intentatum nostri liquere poetæ.
Comment gouvernez-vous Orphée-La Borde ? Est-il toujours attaché à ce maudit procès[3] contre un vilain prêtre ? Je n’ai point eu de ses nouvelles depuis près d’un mois.
On m’impute un A, B, C[4], auquel je n’ai nulle part ; mais je voudrais l’avoir fait, et qu’on n’en sût rien.
Je vous embrasse bien tendrement ; ma santé s’affaiblit tous les jours, et je crois que j’irai bientôt rendre mes respects à Corneille et à Racine.