Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7480

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Correspondance : année 1769GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 259-260).
7480. — À M. VASSELIER,
à lyon[1].
Ferney, 20 lévrier.

Vous m’avez appris, monsieur, la mort du pape[2], et moi je vous apprends que nous en avons fait un. Nous avons tiré aux trois dés la place de Rezzonico, après avoir écrit les noms de tous les sujets capables[3]. Il y en a un qui a eu rafle de six. Vous savez que Mathias n’eut la place de Judas que par un coup de dés[4]. Nous avons bien cacheté les noms de chacun avec sa chance. Nous ouvrirons le paquet dès que le pape sera nommé, et nous verrons si le conclave est d’accord avec nous.

Mille compliments, je vous prie, à mon cher Tabareau.

Je ne sais, monsieur, si la place de Judas était à envier ; mais il est certain que celle de Rezzonico aura plus de concurrents. si la rafle de six a son effet, j’aurai du conclave la meilleure opinion du monde.

C’était dans leur première simplicité que les apôtres ont procédé par le sort à l’élection de Mathias. L’événement aurait dû en éterniser la manière, puisque le nouvel élu s’est distingué entre ses confrères : car, tandis qu’on le martyrisait en Éthiopie, il fondait une célèbre abbaye près de Trêves, où ses os sont encore révérés aujourd’hui. Je ne crois pas que les monsignori reprennent jamais cet antique usage : ils n’y trouveraient pas leur compte.

  1. Joseph Vasselier, né à Rocroy en 1735, était, en 1769, premier commis des postes à Lyon ; il est mort en novembre 1798.
  2. Clément XIII, mort le 3 février 1769.
  3. Voyez, lettre 7524.
  4. Actes des apôtres, i, 16.