Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7501

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Correspondance : année 1769GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 283-284).
7501. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
12 mars.

Mon cher ange, j’ai envoyé à ma nièce une espèce de testament, moitié sérieux, moitié gai. C’est une Épître à Boileau[1], dans laquelle je fais mes remerciements à M. de Saint-Lambert. J’attends la décision de mes anges pour savoir si mon testament est valable ; j’y ajouterai tous les codicilles qu’ils voudront.

Mon ange ne me dit rien du tripot (je parle du tripot de la Comédie), de la nouvelle pièce de de Belloy[2], des querelles des acteurs et des auteurs, des talents de Mlle Vestris, de sa réception. Pour moi, je n’ai d’autre nouvelle à mander, sinon qu’il neige autour de moi, et que la neige me tue.

Vous avez lu sans doute les Saisons de Saint-Lambert ; je l’ai remercié dans mon testament adressé à Nicolas[3]. Je ne sais si ma tête est jeune, mais mon corps est bien vieux. Si je ne m’amusais pas à faire des testaments, je serais bientôt mort d’ennui. Votre amitié me fait prendre la fin de ma vie en patience. Portez-vous bien, vous et Mme d’Argental. On ne vit pas assez longtemps. Pourquoi les carpes vivent-elles plus que les hommes ? cela est ridicule.

  1. Tome X, page 397.
  2. Gaston et Bayard.
  3. Voyez tome X, page 401.