Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7546

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Correspondance : année 1769GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 326-327).
7546. — À M. LE PRINCE DE LIGNE.
5 mai.

Vous daignez quelquefois, monsieur le prince, ranimer par vos bontés un vieillard malade. Quoique je sois mort au monde, votre souvenir ne m’en est pas moins précieux.

Vous jouissez à présent des plaisirs de Paris, et vous les faites ; mais je suis persuadé qu’au milieu de ces plaisirs vous goûtez la noble satisfaction de voir le règne de la raison qui s’avance partout à grands pas. Ferdinand II n’aurait jamais osé proscrire la bulle In cœna Domini. Il y aura enfin des philosophes à Vienne, et même à Bruxelles. Les hommes apprendront à penser, et vous ne contribuerez pas peu à cette bonne œuvre.

On substitue déjà presque partout la religion au fanatisme. Les bûchers de l’Inquisition sont éteints en Espagne et en Portugal. Les prêtres apprennent enfin qu’ils doivent prier Dieu pour les laïques, et non les tyranniser. On n’aurait jamais osé imaginer cette révolution il y a cinquante ans ; elle console ma vieillesse, que vous égayez par votre très-aimable lettre.

Agréez, monsieur le prince, avec votre bonté ordinaire, le respect et l’attachement du solitaire V.