Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7545

La bibliothèque libre.
7545. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
3 mai.

Il y a peut-être, mon cher ange, je ne sais quoi de fat à vous envoyer sa médaille[1] ; mais il faut que du moins je vous présente mes hommages en effigie, puisque je ne peux les apporter en personne.

L’ami Marin m’a appris qu’il y a un conseiller du Châtelet qui n’est pas conseiller du Parnasse[2] ; cela ne m’étonne ni ne m’épouvante. Renvoyez-moi toujours les Guèbres ; on y insérera environ quatre-vingts vers nouveaux que l’auteur m’a envoyés ; on y mettra un petit mot de préface, dans laquelle on dira que l’auteur avait fait d’abord de cette pièce une tragédie chrétienne ; que, sur les représentations de ses amis, il avait cru le christianisme trop respectable pour le mettre encore sur le théâtre, après tant de tragédies saintes que nous avons ; qu’il a substitué les Guèbres aux chrétiens, avec d’autant plus de vraisemblance que les Guèbres, ou Parsis, étaient alors persécutés. On pourrait alors faire entendre raison à ce maudit conseiller ; on pourrait s’adresser, par Mme d’Egmont, à M. de Richelieu, si vous approuvez cette tournure. Au pis aller, on ferait imprimer l’ouvrage bien corrigé et un peu embelli, avec une préface honnête pour l’édification du prochain.

On ne fera rien sans l’ordre de mes anges.

  1. Voyez lettre 7517.
  2. Il s’agit de Moreau, procureur du roi au Châtelet ; voyez tome VI, page 484.