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Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7570

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Correspondance : année 1769GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 353-354).
7570. — À M. LE TOURNEUR.
Au château de Ferney, par Genève, le 7 juin.

Vous avez, monsieur, fait beaucoup d’honneur à mon ancien camarade Young ; il me semble que le traducteur a plus de goût que l’auteur. Vous avez mis autant d’ordre que vous avez pu dans ce ramas de lieux communs, ampoulés et obscurs. Les sermons ne sont guère faits pour être mis en vers ; il faut que chaque chose soit à sa place. Voilà pourquoi le poème de la Religion du petit Racine, qui vaut beaucoup mieux que tous les poëmes d’Young, n’est guère lu ; et je crois que tous les étrangers aimeront mieux votre prose que la poésie de cet Anglais, moitié prêtre et moitié poète[1].

J’ai l’honneur d’être, avec toute l’estime et la reconnaissance que je vous dois, monsieur, votre, etc.

Voltaire.

  1. Dans la Poétique anglaise, par Hennet, tome II, page 336, il est dit que Voltaire, « se trouvant un jour dans une société de littérateurs, critiquait vivement l’allégorie de Milton sur le péché et la mort dans le Paradis perdu : Young fit sur-le-champ ces deux vers, qu’il eut cependant l’honnêteté de ne pas lui montrer :

    You are so witty, so proflgate and thin,
    At once we think you Milton, death, and sin.

    « Vous êtes si spirituel, si licencieux et si maigre, que nous vous croyons à la fois Milton, le péché et la mort). » (B.)