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Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7584

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Correspondance : année 1769GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 368-369).
7584. — À M. BORDES[1].
5 juillet.

Mon cher ami, mon cher philosophe, vos lettres valent beaucoup mieux que tous les rogatons que je vous ai envoyés. J’aurais dû être un peu moins votre bibliothécaire, et un peu plus votre correspondant. Je serais bien curieux de savoir la vérité de l’histoire de votre médecin italien : j’ai peur qu’il ne soit doublement charlatan. S’il lui prenait fantaisie de voir Genève, je vous avoue que je serais curieux de m’entretenir avec lui.

Je ne sais pas trop ce que sera le cordelier Ganganelli ; tout ce que je sais, c’est que le cardinal de Bernis l’a nommé pape, et que par conséquent ce ne sera pas un Sixte-Quint. C’est bien dommage, comme vous le dites, qu’on ne nous ait pas donné un brouillon. Il nous fallait un fou, et j’ai peur qu’on ne nous ait donné un homme sage. Plût à Dieu qu’il ressemblât au pontife de la tragédie que je vous envoie ! Les abus ne se corrigent que quand ils sont outrés. Je vous demande en grâce de ne montrer cette tragédie à personne avant de m’en avoir dit votre avis. Elle ne sera pas jouée sans doute, car les magistrats ne sont pas encore assez raisonnables, et il n’y a point, d’acteurs. Tout tombe en décadence, excepté l’Opéra-Comique, qui soutient la gloire de la patrie.

Adieu, mon cher ami ; dites-moi votre avis, gardez-moi le secret et aimez-moi.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.