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Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7607

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Correspondance : année 1769GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 392-393).
7607. — À M. DE CHABANON.
23 juillet.

Plus vous aurez de frères, mon cher ami, mieux ce sera pour les gens qui pensent. Nous avons besoin d’une recrue de gens d’esprit contre les barbares. Il faut que votre soleil de l’Amérique[1] vienne réchauffer notre continent.

J’ai eu affaire, moi qui vous parle, à des barbares welches, qui m’ont imputé une Histoire du Parlement dont les derniers chapitres sont un tissu de faussetés et d’impertinences qui ne sont pas même écrites en français. Vous voyez que j’ai à soutenir la guerre à la fois contre les Perses et contre les Welches. Plût à Dieu qu’on ne me chicanât que sur le Sadder[2] ! Zoroastre ne me fera jamais de mal ; mais les dévots du ciel peuvent en faire beaucoup. Réjouissez-vous ; faites des vers comme Tibulle pour vos maîtresses et pour vos amis ; vivez plus longtemps que lui, et souvenez-vous quelquefois du vieil ermite des Alpes. Il est beau à vous, dans le fracas de Paris, de songer à un vieillard qui va se faire enterrer sur le bord du lac Léman. Le cœur ne vieillit point. Soyez sûr que je vous aime autant que je vous suis inutile. Je vous embrasse bien fort, et je suis à vous jusqu’au dernier moment de ma vie.

  1. Chabanon de Maugris avait habité l’Amérique.
  2. Il parle de sa querelle avec l’abbé Foucher ; voyez tome XXVII, page 431.