Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7648
J’ai reçu la vôtre, qui m’a fait une grande joie : car, quoique vous n’ayez pas dix-huit ans, cependant vous raisonnez comme une femme de quarante, et outre cela vous avez un très-bon petit cœur, ce qui vous attirera toujours beaucoup d’amis. Un homme qui vous a vue dans votre province nous disait l’autre jour en famille : « Cette Mme Clotier est très-belle, mais elle pourrait se passer de beauté. »
Nous sommes toujours très-attachés, ainsi que monsieur votre époux, à M. l’abbé Bigot[1] et à M. d’Ermide[2]. MM. de Bruguières[3], nos ennemis, nous accuseraient en vain de vendre de la contrebande ; nous n’en vendons point. Toutes nos marchandises sont du cru de France ; et pourvu qu’on ne nous desserve pas auprès de M. Le Prieur[4], nous nous moquons de MM. de Bruguières et des financiers. Nous souhaitons seulement que vous n’ayez plus la Peste[5] et nous espérons toujours que M. Bigot sera votre médecin ; qu’il conservera toujours sa bonne réputation, malgré la tante[6], qui est, je crois, une bonne femme.
Notre manufacture va toujours son petit train, et nous comptons dans quelques semaines pouvoir vous envoyer des échantillons. Nous reçûmes, il y a un mois, un maroquin rouge fort propre : nous ne savions d’où il venait ; mais enfin nous avons jugé qu’il vient de votre boutique, car vous n’avez que du beau et du bon : c’est une justice qu’on rend à Mme Clotier et à monsieur son cher époux.
Je suis, madame Clotier, avec un profond respect, votre très-humble servante et commère.