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Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7665

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Correspondance : année 1769GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 449-450).
7665. — À M. LE COMTE DE LA TOURAILLE.
À Ferney, le 17 septembre.

Le livre[1] dont vous me parlez, monsieur, est évidemment de deux mains différentes. Tout ce qui précède l’attentat de Damiens m’a paru vrai, et écrit d’un style assez pur ; le reste est rempli de solécismes et de faussetés. L’auteur ne sait ce qu’il dit. Il prend le président de Bésigny pour le président de Nassigny[2]. Il dit qu’on a donné des pensions à tous les juges de Damiens, et on n’en a donné qu’aux deux rapporteurs[3]. Il se trompe grossièrement sur la prétendue union de M. d’Argenson et de M. de Machault[4].

Vous aimez les lettres, monsieur, et vous êtes assez heureux pour ignorer le brigandage qui règne dans la littérature. L’abbé Desfontaines fit autrefois une édition clandestine de la Henriade, dans laquelle il inséra des vers contre l’Académie, pour me brouiller avec elle, et pour m’empêcher d’être de son corps. On a eu cette fois-ci une intention plus maligne. Ces petits procédés, qui ne sont pas rares, n’ont pas peu contribué à me faire quitter la France, et à chercher la solitude. L’amitié dont vous m’honorez me console. Je vous prie de me la conserver ; j’en sens tout le prix. Je serais enchanté d’avoir l’honneur de vous voir ; mais il n’y a pas d’apparence que vous puissiez quitter les états de Bourgogne et la cour brillante de M. le prince de Condé pour des montagnes couvertes de neige, et pour un vieux solitaire devenu aussi froid qu’elles.


  1. Histoire du Parlement de Paris.
  2. Voyez La note 4, tome XVI, page 85.
  3. Voyez tome XVI, page 99.
  4. Voyez ibid., page 95.