Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7670
Mon cher philosophe, je reçois en ce moment votre lettre du 13 septembre. Le projet de faire un abrégé de l’Essai sur l’Esprit et les Mœurs des nations est une très-bonne idée, et vous l’exécuterez en habile homme. Je vais recommander à Cramer de vous envoyer la nouvelle édition in-4°, qui sera achevée dans quelques jours ; elle est très-augmentée.
J’attends le détail que M. de La Croix doit m’envoyer sur l’affaire de Sirven. Si on rend une justice complète à cette famille innocente et opprimée, si les magistrats de Toulouse voient sans chagrin dans leur ville le défenseur des Calas, si le théâtre nouvellement établi peut profiter de mes soins, le plaisir de vous revoir me rendra peut-être assez de forces pour entreprendre ce voyage.
Je viendrais dans une espèce de litière, et je passerais l’hiver à Toulouse ; mais ce serait à condition que je mènerais ma vie de malade : il faudrait que mon âge et mes maux me dispensassent de faire aucune visite, et qu’on me pardonnât ma vie solitaire. Je partirai probablement dès que je serai certain d’être bien reçu et de n’avoir rien à craindre des vieux restes du fanatisme.
J’ai oublié le nom du conseiller qui protège Sirven ; je vous prie de me le dire. Il ne serait pas mal qu’il me donnât des assurances positives qu’on approuverait mon voyage.
C’est tout ce que je puis vous dire à présent. Je n’ajoute rien de nouveau en vous disant combien je vous aime et combien j’ai envie de vous embrasser.
- ↑ Éditeurs, de Cayrol et François.