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Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7714

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Correspondance : année 1769GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 497-498).
7714. — DE M. M. D.[1].
22 novembre.

Monsieur, j’ai chamaillé pendant trois ans avec mon curé et le clergé de ma petite ville pour faire transférer le cimetière hors des habitations. Je n’avais pour moi que l’intérêt public à faire valoir, et l’on sait combien il est faible dès qu’il est aux prises avec l’intérêt particulier : aussi j’avoue que si je n’eusse été encouragé par la sagesse des réflexions que vous avez publiées de temps à autre à ce sujet, et le ridicule que vous avez jeté sur l’usage opposé, je n’eusse jamais surmonté l’opiniâtre résistance de nos ecclésiastiques : il n’a pas dépendu d’eux que je ne passasse pour impie, mauvais chrétien, etc. Je viens cependant de réussir, et mon premier soin est de remercier celui à qui je reconnais que nos habitants doivent ce bienfait. J’en suis d’autant plus glorieux que j’ai vu le parlement de Paris s’arrêter, à ce sujet, aux oppositions du clergé.

C’est à vous, monsieur, que la raison doit la supériorité qu’elle prend tous les jours sur les préjugés ; mais que ses progrès sont lents lorsqu’elle attaque des pratiques superstitieuses ! La mendicité vient d’être défendue en France ; les maréchaussées ont des ordres sévères à cet égard, cependant je vois une foule de mendiants sous mes yeux mettre impunément à contribution les villes et les campagnes, et faire parade de leur oisiveté comme d’une vertu. Est-ce pour les favoriser qu’on enlève les véritables pauvres ?

J’ai l’honneur d’être, etc.

M.D.

  1. La réponse de Voltaire est du 15 décembre, n° 7735.