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Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7740

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Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 519-520).
7740. — À MADAME LA DUCHESSE DE CHOISEUL.
1er janvier 1770.

Madame, Votre Excellence saura que, comme j’étais dans ma boutique le jour de la Saint-Sylvestre[1], sans rien faire, parce que c’était un dimanche, il passa chez moi un pédant qui fait des vers françois, et je lui dis : « Monsieur le pédant, faites-moi des vers françois pour les étrennes de Mme Gargantua ; » et il me fit cela, qui ne m’a pas paru trop bon :


Je souhaite à la belle Hortense
Une âme noble, un cœur humain,
Un goût sûr et plein d’indulgence,
Un esprit naturel et fin,
Qui s’exprime comme elle pense ;
Un mari de grande importance,
Qui ne fasse point l’important,
Qui serve son prince et la France,

Et qui se moque plaisamment
Des jaloux et de leur engeance ;
Que tous deux soient d’intelligence,
Et qu’ils goûtent en concurrence
Le plaisir de faire du bien.
Ma muse alors en confidence
Me dit : Ne leur souhaite rien.


Il me semble, madame, que moi, qui ne suis qu’un typographe, j’aurais fait de meilleurs vers françois que cela, si je m’étais adonné à la poésie françoise.

J’ai l’honneur de faire à monseigneur votre époux, comme à vous, madame, les compliments des révérends pères capucins, de tous les maçons de Versoy, de tous les manœuvres, de tous ceux qui veulent bâtir des maisons en cette ville, où il fait froid comme en Sibérie. J’ai de plus l’honneur d’être avec un profond respect, madame, etc.

Guillemet.

  1. Dernier jour de l’année.