Aller au contenu

Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7788

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1770
Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 563).
7788. — À M. HENNIN.
18 février.

Ma foi, monsieur, ayant bien pesé tout ce que vous avez la bonté de m’écrire, je prends le parti de faire une élégie en prose que j’envoie à M. le duc de Choiseul[1]. La Motte faisait bien des odes en prose. J’y ajouterai une exhortation pathétique pour bâtir quelques maisons. Je ne sais si, après cette aventure, les maisons de Genève seront bien louées. Je ne crois pas que les étrangers s’empressent à envoyer leurs enfants étudier à l’académie de Genève, ni que beaucoup de metteurs en œuvre viennent offrir leurs services aux citoyens marchands de montres. La colère de Dieu éclatera sur la maison de Jacob, et je m’imagine que M. le duc de Choiseul sera l’Amalécite dont Dieu se servira, pour châtier son peuple.

Mme Denis attend avec bien de l’impatience le moment de vous voir. Vous savez que nous ne dînons plus ; je n’ose vous promettre de vous [ donner ] des œufs frais, attendu qu’on vient de me voler mes poules. Je n’ose en accuser le conseil de Genève, car il faut être juste.

En vérité, le monde est bien méchant. Vous souvenez-vous d’un grand homme assez bien bâti nommé Bougroz[2] et de sa prétendue femme Bougroz, qui sont venus vous demander des passe-ports ? C’étaient des voleurs, ne vous déplaise, et pis que des voleurs de poules. Mais comme je suis capucin, je mets tout cela au pied de mon crucifix.

Daignez agréer ma bénédiction.

✝ Frère V., capucin indigne.

  1. Voyez la lettre suivante.
  2. Voyez la lettre 7825.