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Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7897

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Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 89-90).
7897. DE CATHERINE II,
impératrice de russie.
Le 16-27 mai.

Monsieur, un courrier parti de devant Coron en Morée, de la part du comte Féodor Orlof, m’a apporté l’agréable nouvelle qu’après que ma flotte eut abordé le 17 février à Porto-Vitello, mes troupes se joignirent aux Grecs, qui désiraient de recouvrer leur liberté. Ils se partagèrent en deux corps, dont l’un prit le nom de légion orientale de Sparte ; et le second, celui de légion du nord de Sparte. La première s’empara dans peu de jours de Passava, de Berdoni, et de Misistra[1], qui est l’ancienne Sparte. La seconde s’en alla prendre Calamata, Léontari, et Arcadie. Ils firent quatre mille prisonniers turcs dans ces différentes places, qui se rendirent après quelque défense ; celle de Misistra surtout fut plus sérieuse que les autres.

La plupart des villes de la Morée sont assiégées. La flotte s’était portée de Porto-Vitello à Coron ; mais cette dernière ville n’était point prise encore le 29 de mars, jour du départ du courrier. Cependant on en attendait si bien la réduction dans peu qu’on avait déjà dépêché trois vaisseaux pour s’emparer de Navarin. Le 28, on avait reçu la nouvelle devant Coron d’une affaire qui s’était passée entre les Grecs et les Turcs, au passage de l’isthme de Corinthe. Le commandant turc a été fait prisonnier en cette occasion.

Je me hâte de vous donner ces bonnes nouvelles, monsieur, parce que je sais qu’elles vous feront plaisir, et que cela est bien authentique, qu’elles me viennent directement. Je m’acquitte aussi par là de la promesse que je vous ai faite de vous communiquer les nouvelles aussitôt que je les aurais reçues.

Soyez assuré, monsieur, de l’invariabilité de mes sentiments.

Catherine.

Voilà la Grèce au point de redevenir libre, mais elle est bien loin encore d’être ce qu’elle a été : cependant on entend avec plaisir nommer ces lieux dont on nous a tant rebattu les oreilles dans notre jeunesse.

  1. Ou Misitra, qui, selon Guillet, doit son nom au fromage qu’on fait dans le pays ; voyez l’Itinéraire de Paris à Jérusalem, de Châteaubriand.