Aller au contenu

Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7918

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 105-106).
7918. — À M. HENNIN.
À Ferney, lundi au soir, 11 juin.

La personne à qui nous avons proposé des grâces[1] en a tant qu’elle ne se soucie pas d’en acheter des autres. D’ailleurs, leur sexe est un empêchement dirimant.

Au surplus, le nommé Charles, huissier de je ne sais quels magnifiques et très-honorés seigneurs[2], s’est avisé d’assigner le sieur Dufour, directeur de la manufacture royale de Ferney, naturalisé Français, protégé spécialement par le roi, et si bien protégé que le roi vient de lui acheter et de lui payer argent comptant six belles montres de sa façon, pour encourager ladite manufacture royale.

On ne voit pas de quel droit les magnifiques et très-honorés seigneurs assignent le très-magnifique et honoré Dufour.

Je vous prie réellement, monsieur, et raillerie à part, d’interposer votre autorité pour que dorénavant on s’abstienne de pareilles violations de territoire, sans quoi on serait obligé de traiter fort mal lesdites assignations, juridiquement parlant. Il est temps de mettre ordre à ces impertinences. Notre manufacture française, protégée par le roi, et travaillant pour le roi, doit être respectée.

Je vous demande en grâce d’en parler vertement. Vous savez que la loi est qu’on assigne à Gex ceux qui demeurent dans le territoire de Gex. Nous prévoyons que, si on ne met pas un frein à ces polissonneries, elles reviendront tous les jours ; le temps de nos artistes est précieux. Mme Denis se joint à moi pour vous prier avec la plus vive instance de soutenir les droits des Français. Vous n’avez pas besoin d’être prié.

Mille respects à madame votre sœur et à vous. V.

  1. Voltaire avait proposé au roi de Prusse, dans une lettre du 4 mai 1770, l’achat du tableau de Carle Vanloo, représentant les Trois Grâces, qui appartenait à Hennin. Le roi répondit, le 24 du même mois, qu’il n’achetait plus de tableaux depuis qu’il payait des subsides.
  2. De la république de Genève.