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Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7976

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Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 153-154).
7976. — À M. DE LA HARPE.
27 juillet.

Suétone ne voit-il pas que l’ami Lantin a voulu rire quand il a exhorté les jeunes gens à rapetasser les détestables pièces et les détestables sujets du raisonneur ampoulé[1], qui ne fut jamais tragique que dans trois ou quatre scènes, quand il fit un petit voyage en Espagne ?

L’ami Lantin ne s’est amusé à ressemeler Sophonisbe que pour montrer qu’il y avait du tragique avant le raisonneur. Le cinquième acte de Mairet avait un très-grand fond de tragique ; mais on ne pouvait pas faire grand’chose de Massinisse ; il en a fallu faire un jeune imprudent qui se laisse prendre comme un sot. Non est hic vis tragica[2].

Dans tout ce qui se passe aujourd’hui en France, il y a comica, mais non pas vis.

J’attends Suétone l’anecdotier ; et je me doute bien que l’esprit måle et judicieux qui l’a traduit et commenté aura pesé toutes ces anecdotes dans la balance de la raison.

On va jouer la Religieuse à Lyon ; cela vaut mieux sans doute que vingt-quatre pièces du raisonneur, et cependant… Ô qu’il fait bon venir à propos !

  1. Pierre Corneille.
  2. Il y a vis comica dans les vers attribués à César, et rapportés tome XXVI, page 114.