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Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8196

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8196. — À M. JOLY DE FLEURY[1].
conseiller d’état.
À Ferney, 4 février.

Monsieur, vous ne serez point surpris qu’un homme qui a eu l’honneur de vous faire sa cour pendant que vous étiez intendant de Bourgogne vous implore pour des infortunés ; il vous voyait alors occupé du soin de les soulager.

L’avocat que je prends la liberté de vous présenter n’est point un homme que l’on doive juger par la taille[2]. Il joint à la plus grande probité une science au-dessus de son âge. Il est le défenseur de douze ou quinze mille bons sujets du roi, que vingt chanoines veulent rendre esclaves. Il a cru que quinze mille cultivateurs pouvaient être aussi utiles à l’État, du moins dans cette vie, que vingt chanoines qui ne doivent être occupés que de l’autre.

Vous connaissez cette affaire, monsieur ; vous en êtes juge. Il ne m’appartient pas d’oser vous parler en faveur d’aucune des parties ; mais il m’est permis de vous dire que l’impératrice de Russie a rendu libres quatre cent mille esclaves de l’Église grecque ; que le roi de Sardaigne a aboli la servitude dans ses États[3] ; et je puis encore ajouter à ces exemples celui du roi de Danemark, qui a la bonté de me mander qu’il est actuellement occupé à détruire dans ses deux royaumes cet opprobre de la nature humaine. Tout ce que désireraient les quinze mille hommes à qui on refuse les droits de l’humanité serait que vous en fussiez le rapporteur.

J’ai l’honneur d’être avec beaucoup de respect, monsieur, votre, etc.

  1. Voyez tome XXXVIII, page 409.
  2. M. Christin.
  3. Voyez la note de Voltaire, tome XXVIII, page 354.