Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8284
Permettez, madame, que j’ajoute un petit codicille à mon testament, et que je vous explique les étrennes qu’on voulait me donner au mois de janvier dernier.
M. Seguier, après la réception que le public lui avait faite à l’Académie française, se mit à voyager. Il vint chez moi, et me dit que plusieurs conseillers du parlement le pressaient de dénoncer l’histoire de ce corps, imprimée, dit on, il y a deux ans ; qu’il ne pourrait s’empêcher à la fin de remplir son ministère ; que, s’il ne faisait pas la dénonciation, ces conseillers la feraient eux-mêmes, et que cela pourrait aller très-loin.
Je lui répondis, en présence de M. Hennin, résident à Genève, et de ma nièce, que cette affaire ne me regardait point du tout ; que je n’avais aucune part à cette histoire ; que d’ailleurs je la regardais comme très-véridique ; et que s’il était possible qu’une compagnie eût de la reconnaissance, le parlement devait des remerciements à l’écrivain, qui l’avait extrêmement ménagé.
Voilà, madame, ma confession achevée. Si vous me donnez l’absolution, je ne mourrai que dans quinze jours ; si vous me la refusez, je mourrai dans quatre ; mais si je ne mourais pas en vous adorant, je me croirais plus réprouvé que Belzebuth.