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Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8385

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Correspondance de Voltaire/1771
Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 524-525).
8383. — À M. DE POMARET.
14 octobre.

Le vieux malade, monsieur, est bien sensible à votre souvenir. Le ministère est trop occupé des parlements pour songer à persécuter les dissidents de France. On laisse du moins fort tranquilles ceux que j’ai recueillis chez moi ; ils ne payent même aucun impôt, et j’ai obtenu jusqu’à présent toutes les facilités possibles pour leur commerce.

Je présume qu’il en est ainsi dans le reste du royaume. On s’appesantit plus sur les philosophes que sur les réformés ; mais si les uns et les autres ne parlent pas trop haut, on les laissera respirer en paix ; c’est tout ce que l’on peut espérer dans la situation présente. Le gouvernement ne s’occupera jamais à déraciner la superstition ; il sera toujours content, pourvu que le peuple paye et obéisse. On laissera le prépuce de Jésus-Christ dans l’église du Puy en Velay, et la robe de la vierge Marie dans le village d’Argenteuil. Les possédés qui tombent du haut mal iront hurler la nuit du jeudi saint dans la Sainte-Chapelle de Paris et dans l’église de Saint-Maur ; on liquéfiera le sang de saint Janvier à Naples. On ne se souciera jamais d’éclairer les hommes, mais de les asservir. Il y a longtemps que, dans les pays despotiques, sauve qui peut ! est la devise des sujets.