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Correspondance de Voltaire/1771/Lettre 8420

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Correspondance de Voltaire/1771
Correspondance : année 1771GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 556).
8420. — À M. FRANÇOIS TRONCHIN.
Au château de Ferney, le 1er décembre.

Mon cher successeur des Délices[1], je m’en rapporte bien à vous sur la statue ; personne n’est meilleur juge que vous. Pour moi, je ne suis que sensible ; je ne sais qu’admirer l’antique dans l’ouvrage de M. Pigalle ; nu ou vêtu, il ne m’importe. Je n’inspirerai pas d’idées malhonnêtes aux dames, de quelque façon qu’on me présente à elles. Il faut laisser M. Pigalle le maître absolu de la statue. C’est un crime en fait de beaux-arts de mettre des entraves au génie. Ce n’est pas pour rien qu’on le représente avec des ailes ; il doit voler où il veut et comme il veut.

Je vous prie instamment de voir M. Pigalle, de lui dire comme je pense, de l’assurer de mon amitié, de ma reconnaissance, et de mon admiration. Tout ce que je puis lui dire, c’est que je n’ai jamais réussi dans les arts que j’ai cultivés que quand je me suis écouté moi-même.

  1. C’est l’ancien conseiller d’État de Genève ; il était alors à Paris. François Tronchin avait acheté la terre des Délices, qui avait appartenu à Voltaire.