Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8725
Je suppose, monsieur, qu’une lettre de la rue Saint-Roch et du bureau de la Gazette est de vous, du moins je le présume par le style : car il y a bien des écritures qui se ressemblent, et personne ne signe. Vous devriez mettre un C, ou tel autre signe qu’il vous plaira, pour éviter les méprises.
Voici un petit paquet de ces marrons que Bertrand a commandés à Raton. S’ils ne valent rien, il n’y a qu’à les rejeter dans le feu d’où Raton les a tirés. Vous êtes obéi sur les autres points. Il s’est trouvé un honnête homme, nommé l’abbé Masan[1], qui rend aux assassins du chevalier d’Étallonde et du chevalier de La Barre la justice qui leur est due, dans des notes assez curieuses de l’édition qu’on fait à Francfort d’une tragédie nouvelle. C’est dommage que cet abbé Masan, cousin germain de l’abbé Bazin, n’ait pas su l’anecdote du sieur de Menneville de Beldat ; mais ce qui est différé n’est pas perdu. L’ouvrage d’Helvétius[2] est celui d’un bon enfant qui court à tort et à travers sans savoir où ; mais la persécution contre lui a été une des injustices les plus absurdes que j’ai jamais vues.
Il y a un M. de Belguai, ou de Belleguerre, ou Belleguier[3], qui a composé pour le prix de l’université selon vos vues : c’est un ancien avocat retiré. J’ai lu quelque chose de son discours ; cela est si terrible et si vrai que j’en crains la publication.
Soyez sûr, monsieur, que je ne mérite point du tout l’honneur qu’on m’a fait de me mettre au-dessus de Sophocle au physique : c’est une mauvaise plaisanterie qu’on a faite mal à propos sur une très-belle demoiselle qui n’est pas assez sotte pour s’adresser à moi.
Mille respects.