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Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8745

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Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 286-287).
8745. — À M. D’ALEMBERT.
25 janvier.

Oui, mon illustre Bertrand, j’ai lu l’annonce qui se trouve dans la Gazette littéraire des Deux-Ponts, par M. de Fontanelle. Jamais M. de Fontenelle n’aurait osé en dire autant. La diatribe de l’avocat Belleguier ne pourra partir, à ce qu’il m’a mandé, que mercredi prochain, 27 du mois. Ce pauvre avocat tremble ; il a les meilleures intentions du monde ; il n’a dit que la vérité, et c’est pour cela même qu’il tremble. Il dit qu’il vous en enverra d’abord un petit nombre d’exemplaires pour sonder le terrain.

Il avait autrefois une adresse pour M. de Condorcet, mais il ne s’en souvient pas exactement ; il craint les fausses démarches, il est sur les épines ; il met son sort entre vos mains.

Je suis persuadé que, s’il s’était agi d’autres prisonniers, Catau aurait fait sur-le-champ tout ce que vous auriez voulu ; mais elle prétendait, et avec très-grande raison, ce me semble, qu’un homme supérieur en dignité[1], qui peut-être n’est pas philosophe, la prévint sur cette affaire par quelque honnêteté : il ne l’a pas fait, et cela est piquant. Si vous venez à bout d’obtenir ce que cet homme supérieur n’a pas osé demander, ce sera le plus beau triomphe de votre vie. J’attends la réponse que vous fera Catau, avec la plus grande impatience.

Je ne sais pas précisément ce que c’est que la fête du Triomphe de la foi[2] ; mais, en qualité de bon chrétien, ne pourriez-vous point nous faire savoir en quoi consiste cette fête, et quelle victime on y a immolée ? Faites-moi savoir surtout comment ce pauvre avocat peut faire adresser un paquet à M. de Condorcet.

Le pauvre Raton, qui est très-malade, se recommande à votre amitié.

N. B. Il n’est pas encore bien sûr que M. Belleguier puisse envoyer sa diatribe le 27, à cause des petits troubles qui règnent encore dans la ville ; mais qu’elle se mette en route le 27 ou le 29, il n’importe. Le grand point est de soutenir qu’elle vient de Belleguier, et non pas de Raton.

  1. Il s’agit sans doute de Louis XV.
  2. Voyez lettres 8733 et 8752.