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Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8757

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Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 297-298).
8757. — À M. LE COMTE DE ROCHEFORT.
Ferney, 3 février.

Non vraiment, monsieur, je n’ai point reçu les deux lettres dont vous me parlez, qui étaient contre-signées ; il arrive fort souvent que les commis ne veulent point se charger de ces contre-seings. Écrivez-moi tout uniment à mon adresse, et vous pouvez compter que la lettre me parviendra ; mettez seulement un au bas, car très-souvent je prends votre écriture pour celle d’un autre.

Si vous voyez monsieur le chancelier et M. le maréchal de Richelieu, je vous recommande ces pauvres Lois de Minos ; je les avais beaucoup retravaillées depuis votre départ de Ferney. Un fripon[1] m’ôte tout le fruit de mon travail. Je ne me plains pas des libelles que le libraire Valade débite tous les huit jours contre moi et mes amis ; j’aurais mauvaise grâce de ne vouloir pas qu’on me calomnie, quand on a l’insolence de faire tant de mauvais libelles contre monsieur le chancelier lui-même ; mais je ne trouve point du tout bon qu’on me vole, et que la police souffre ce vol public. Je présente sur cette affaire une petite requête à monsieur le grand référendaire. Mettez bien le cœur au ventre à M. de Richelieu, il doit être fort mécontent des tours qu’on lui joue dans son tripot.

J’ai eu bien raison d’écrire contre les cabales : tout est cabale, de la Foire jusqu’à Versailles, et des curés de villages jusqu’au pape. Les bruits les plus ridicules courent l’Europe ; mais tout tombe au bout de huit jours dans un éternel oubli.

Je vous supplie, vous et Mme Dixneufans, de ne me point oublier. Je suis actuellement cent pieds sous les neiges ; c’est un fléau plus terrible que les Clément et les Sabatier. Conservez vos bontés au vieux malade de Ferney.

  1. Marin ; voyez la note 3 de la page 290.