Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8847
Mon cher confrère, j’aurais dû vous remercier plus tôt de m’avoir envoyé des dames dignes d’être vos parentes ; mais j’aurais dû aussi être un peu plus digne d’une pareille visite. J’étais cruellement malade lorsqu’elles me firent l’honneur de venir à Ferney je combattis mon mal, je pris la liberté de leur faire ma cour en robe de chambre ; mais je ne pus jouir longtemps de l’avantage que vous me procurez. Je passe ma vie dans les souffrances et dans les regrets, on dit que c’est assez le partage de la vieillesse.
Je suis bien fâché que Aufresne ne puisse aller à Lyon ; on dit que c’est un acteur qui a des moments et des éclairs admirables. Il me semble quelquefois que, si on pouvait représenter sur le beau théâtre de Lyon les Lois de Minos avec quelque succès, je pourrais faire un effort et oublier assez mes maux pour venir vous embrasser. J’ai des raisons essentielles pour avoir un prétexte plausible de ce petit voyage. Que de choses j’aurais à vous dire, et que de choses à entendre ! Aimons-nous, mon cher philosophe, car les ennemis de la raison n’aiment guère ceux qui pensent comme nous.
Je vous embrasse bien tendrement.
- ↑ Éditeurs, de Cayrol et François.