Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8911
Si le vieux malade de Ferney pouvait avoir un rayon de santé, il ne répondrait pas aux vers flatteurs de M. Soufflot[2] en simple prose ; s’il pouvait sortir, il irait aux Délices rendre ses devoirs à M.et à Mme Tronchin, et à M. Soufflot ; s’il s’avisait jamais de vivre l’âge de M. Jean Causeur[3], il prierait alors M. Soufflot ou Mme Tronchin de vouloir bien lui faire son épitaphe.
- ↑ Éditeurs, de Cayrol et François.
- ↑ Soufflot, intendant des bâtiments du roi, architecte du Panthéon, étant
venu voir le conseiller Tronchin aux Délices, y coucha dans le lit qu’avait occupé Voltaire. Il fit à cette occasion les vers suivants :
Dans ton lit, en rêvant, je me suis cru poète,
J’ai cru sentir du ciel l’influence secrète ;
Mais, prêt à te chanter, s’éveillant en sursaut,
Le pauvre chantre est tombé de son haut.
De rien faire éveillé j’ai perdu l’espérance ;
Et cependant en vers contre toute apparence,
Mon cœur m’a dicté ce souhait
Pour mettre au bas de ton portrait :
Il parut, nouvel astre, au siècle du génie,
Il éclaira celui de la philosophie ;
Parques, filez pour lui les jours de Jean Causeur ;
À trois siècles, pour vous, il aura fait honneur. - ↑ Boucher aux environs de Brest, âgé de plus de cent ans. (A. F.)