Aller au contenu

Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8928

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1773GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 48 (p. 457-458).
8928. — À MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT.
À Ferney, 10 septembre.

Eh bien ! madame, que dites-vous à présent de la cabale abominable qui poursuivait M. de Morangiés ? Que dites-vous en tout genre de ce monstre énorme qu’on appelle le public, et qui a tant d’oreilles et de langues, étant privé des yeux ? Si vous avez perdu la vue du corps, et si je suis à peu près dans le même état quand l’hiver approche, il me semble que nous avons conservé du moins les yeux de l’entendement. Avouez que le parlement d’aujourd’hui répare les crimes que l’ancien a commis en assassinant juridiquement Lally et le chevalier de La Barre.

J’ignore si M. D… vous a fait tenir les Fragments sur l’Inde et sur le malheureux Lally. Ce petit ouvrage a quelque succès : il est fondé du moins sur la vérité. Mais il vous faut des vérités intéressantes, et je voudrais que celles-là pussent vous occuper quelques moments.

Je voudrais surtout qu’une bonne santé vous rendit la vie supportable, si mes ouvrages ne le sont pas. Ma santé est horrible ; et, quand j’écris, ce n’est qu’au milieu des souffrances. Soyez bien sûre, madame, que mes maux ne dérobent rien aux sentiments qui m’attachent à vous jusqu’au dernier moment de ma vie.