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Correspondance de Voltaire/1773/Lettre 8971

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8971. — DU CARDINAL DE BERNIS.
Rome, le 10 novembre.

Le pape a été fort édifié de votre obéissance à son bref, mon cher confrère, et très-content que vos Suisses et vos Genevois soient satisfaits de sa conduite ; il sait bien que vous n’êtes pas si aisé à satisfaire. Je ne lui ai point parlé de la lettre fanatique, faussement attribuée à l’évêque d’Amiens : Sa Sainteté doit être rassasiée de libelles.

Vos quatre-vingts ans ne vous ont rien fait perdre du côté du style, ni même du côté de l’écriture. Votre caractère est celui d’un homme de vingt ans bien élevé. Il vous sera plus facile aujourd’hui d’arriver jusqu’à cent ans, qu’il ne vous l’a été d’être parvenu à quatre-vingts.

J’imagine que ni le jeu, ni les femmes, ni même la gourmandise, ne sont plus pour vous des passions, et que vous connaissez trop les hommes pour vous inquiéter de leurs jalousies et de leurs malices. Votre âge vous donne une aussi grande supériorité que vos talents. Aimez-moi toujours, et ne doutez jamais de la fidélité de l’attachement que je vous ai voué pour la vie.