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Correspondance inédite de Hector Berlioz/119

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Texte établi par Daniel Bernard, Calmann Lévy, éditeur (p. 295-296).
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CXIX.

À M. ET MADAME MASSART.


Weimar, 9 avril 1863.

Que c’est gentil à vous, chers amis, de m’avoir écrit tous les trois ! Vous allez vous moquer de moi ; eh bien, vous aurez tort ; cette idée m’a ravi.

Je vous écris en me levant à une heure. On m’a fait passer une partie de la nuit à un banquet qui m’a été offert, après la première représentation[1], par les artistes de Weimar, réunis à ceux qui étaient venus des villes voisines et même de Dresde et de Leipzig. Le succès de Béatrice a été flambant, l’exécution excellente dans son ensemble. Les grands-ducs et la grande-duchesse et la reine de Prusse m’ont accablé de compliments. La reine surtout m’a dit des choses, oh ! mais des choses que je n’ose vous répéter. Le morceau qu’elle aime le plus, c’est le trio des trois femmes, tout en avouant que le duo est une invention ravissante, et que l’air de Béatrice et la fugue comique lui plaisent infiniment.

On m’annonce pour demain une bordée d’applaudissements à démolir la salle.

L’orchestre va à merveille et tout l’ensemble vocal se comporte musicalement. La Béatrice est délicieusement jolie et une artiste véritable ; seulement elle reste trop allemande et rend cette lionne sicilienne presque sentimentale.

Adieu, chers amis ; je ne reviendrai pas à Paris aussitôt que je l’avais cru ; le prince de Hohenzollern, qui habite Lowenberg, en Silésie, à cent vingt lieues d’ici, m’envoie chercher pour lui diriger un concert composé de :

Ouverture du Roi Lear.
Adagio de Roméo et Juliette.
La fête chez Capulet (du même).
Ouverture du Carnaval Romain.
La symphonie d’Harold.

Son orchestre sait tout cela presque par cœur ; je lui ferai faire (à l’orchestre) trois répétitions et tout devra marcher pas trop mal.

Voyez-vous ces princes qui se donnent le luxe d’avoir des orchestres de soixante musiciens et de donner de pareils concerts à leurs amis !

Je serre les trois savantes mains et je remercie les trois bons cœurs de leur souvenir.

  1. Il s’agit de la première représentation de l’opéra de Béatrice et Bénédict.