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Correspondance littéraire, philosophique et critique, éd. Garnier/15/1788/Novembre

La bibliothèque libre.
Texte établi par Maurice Tourneux, Garnier frères (Volume 15p. 327-353).


NOVEMBRE.

FRAGMENTS
D’UNE LETTRE MANUSCRITE SUR L’ASSEMBLÉE DES NOTABLES
DE 1787.

Privatas spes agitantes sine publica causa.

La France avait perdu M. Necker ; une cour folle et dissipatrice, gênée par sa fermeté économe, un octogénaire puérilement jaloux de ses succès et de sa renommée, l’avaient forcé d’abandonner le bien que la paix allait lui permettre enfin d’entreprendre, le bien qu’il avait appris à faire, ne fût-ce que par ses fautes, le bien qu’il désirait, ne fût-ce que par ambition.

L’octogénaire mourut ; les favoris alors héritèrent tous ensemble de l’autorité. L’inhabileté peu scrupuleuse et l’impéritie totale dans les deux successeurs de M. Necker, cédant à quelques invasions, ne firent qu’encourager cette immense cupidité. Le trésor public s’entr’ouvrait à peine à quelques mains puissantes, on ne pouvait encore demander sans une apparence un prétexte de droit et de justice ; il fallait à cette foule rapace un génie téméraire, contempteur des lois, des principes et même des formes, dont on eût à compter le refus plutôt que les grâces, dont la facilité allât jusqu’à offrir ce qu’on eût rougi de solliciter, chez qui surtout des manières séduisantes, une pénétration vive, quelques lumières adroitement distribuées, pussent tellement subjuguer l’opinion qu’elle doutât un instant que ses talents ne suffisaient point à réparer ses désordres. M. de Calonne fut nommé ministre des finances ; sa mauvaise réputation le servit elle-même, car dans ce pays, qu’un homme passe pour fripon, c’est assez pour être cru habile ; d’ailleurs il semblait que son prédécesseur eût préparé les esprits à croire la nullité et l’ignorance inséparables de la probité, et l’on sut même quelque gré à M. de Calonne du fâcheux contraste qu’il formait avec M. d’Ormesson.

Bientôt le trésor royal devint le tonneau des Danaïdes, il ne put le laisser un instant ni plein ni vide ; tandis que les prodigalités publiques et secrètes, les édifices fastueux, les acquisitions fictives, les échanges ruineux, les remboursements des dettes surannées, les privilèges, les remises, la multiplicité des emplois et des départements, les traitements excessifs, épuisaient constamment les caisses, les emprunts onéreux, l’extension tant des nouveaux que des anciens, les anticipations outrées, les services des financiers, services utiles surtout à ceux qui les rendent, la refonte des espèces, la création d’offices, les suppléments de finances, toutes les inventions bursales et fiscales les comblaient incessamment.

Alors point de compagnies exclusives, point de genre d’actions et d’effets qui ne fussent accueillis pour favoriser cet agiotage, toujours ami des ministres déprédateurs et prodigues, parce que sa circulation fictive et forcée est merveilleusement propre à déguiser les manœuvres ruineuses du gouvernement.

Enfin M. de Calonne avait donné pour entrer, il donna pour rester, il donna ensuite parce qu’il avait donné ; un mélange de faste, d’intérêt et de légèreté lui fit une infirmité habituelle de cette profusion. Les femmes s’écriaient autour de lui qu’il était charmant ; les hommes, qu’il était noble, généreux, obligeant, bienfaisant ; d’abord il ne s’y trompa point ; on le répéta, il le crut à la fin lui-même.

Il redoubla ses largesses aveugles qui ne faisaient que des ingrats ou plutôt qui n’en pouvaient point faire, puisqu’elles étaient ou involontaires ou intéressées. Les arts même entrèrent un moment dans cette distribution ; ils eurent les miettes de la table du mauvais riche ; mais ses bienfaits n’honoraient ni le protecteur ni les protégés qui eurent besoin que la faveur les portât, sans choix, sous la pluie d’or qui tombait de ses mains.

Les bons esprits prédisaient le dénoûment de ses coupables extravagances ; mais la cour et la ville étaient peuplées de ses complices ; des premiers degrés du trône aux dernières classes de la société, tous les états dévoraient l’État ; il aidait tous les abus, il stipendiait tous les vices, la corruption universelle le soutenait, et pourtant il est tombé.

Trois ans s’étaient écoulés pendant cette monstrueuse dilapidation ; les veines de la France ne pouvaient plus se fermer, elle perdait tout son sang. Tout à coup on annonce avec transport que le roi assemble ses sujets pour les consulter ; la réforme va enfin purger toutes les parties du gouvernement ; les prophéties de la raison vont s’accomplir ; des projets consacrés depuis longtemps par des génies philosophiques vont régénérer une administration caduque ; plus de préjugés, plus d’abus ; les Muses pensionnées chantent : Voilà Titus, voilà Sully… Les notables s’assemblent ; on leur donne quinze jours pour voir et juger ; ils restent trois mois, et le nouveau Sully finit par craindre d’être pendu.

« Quelle faute pour un ministre si habile et si spirituel, que de réunir cent quarante des principaux personnages du royaume, de leur soumettre ses opérations, ses projets et même toute son administration, puisque le présent ne pouvait manquer de ramener au passé ! Quoi ! c’est le clergé, la noblesse et les cours qu’il attaque, et c’est le clergé, la noblesse et les cours qu’il consulte ! Comment espérait-il gouverner cette masse imposante de crédit et de lumières, ou même la balancer ? N’avait-il pas seulement la conscience de ses fautes et de sa réputation ? Est-ce dans des moments de ruine et de discrédit qu’on entreprend de si grandes révolutions ? Connaissait-il si peu les hommes et lui-même ?… » Ainsi ont raisonné, après l’événement, tous les esprits superficiels qui forment le grand nombre de ceux même qu’on nomme gens d’esprit.

Un seul mot peut-être suffirait pour répondre à toutes ces questions comment eût-il fait autrement ? Le trésor était vide ; le dernier emprunt n’était point rempli ; un nouveau était impossible ; le refus des cours eût été inébranlable ; les grandes et petites ressources du crédit étaient épuisées ; l’agiotage, créé par lui, détournait tous les fonds des caisses auxiliaires ; ce monstre assassinait son père enfin. M. de Calonne n’avait point d’argent, il n’avait point de crédit, et il voulait rester en place.

Telle est la nature des gouvernements modernes, que l’argent est en même temps l’arme la plus dangereuse et le frein le plus puissant du despotisme ; les dépenses des États excédant toujours leurs revenus, ils ont un continuel besoin du crédit qui, soumis lui-même à l’opinion, met le dominateur dans la dépendance de ceux qu’il domine quand on manque d’argent, il faut emprunter ; mais c’est la confiance qui prête, la force même ne peut rien, car l’argent se cache ; ainsi le crédit favorise le désordre, le désordre tue le crédit ; les mêmes causes font que les peuples ne sont jamais si heureux ni si malheureux qu’ils devraient l’être…

Jamais les affaires publiques n’avaient tant occupé les esprits ; l’empire de la bagatelle diminuait de jour en jour ; les clubs avaient agrandi la matière des entretiens, enhardi les sentiments et les discours ; on avait relu tous les livres écrits sur l’administration ; les gens du monde, qui ont la mémoire des enfants, en retenaient les mots techniques, dont ils scientifiaient leurs discours ; les femmes, lasses d’écouter, avaient, suivant l’usage, appris à parler des mêmes choses ; tout Paris se croyait notable : nul secret, nul mystère, nulle gêne ; tous les lieux publics, toutes les assemblées, toutes les tables, retentissaient des déclamations les plus hardies ; la police n’essayait pas même de modérer cette licence ; la mésintelligence des ministres faisait que les uns favorisaient la fermentation, tandis que les autres l’excitaient sourdement.

D’un autre côté, cette liberté de tout dire enivrait les esprits, on bénissait cette époque ; l’assemblée des notables, disait-on, nous régénérait, elle réveillait le patriotisme dans les cœurs, elle montrait l’énergie du Français, l’empire de la raison et le progrès des lumières ; elle allait créer un esprit national qui serait le flambeau et le frein de l’autorité ; la France n’avait que des sujets, elle aurait enfin des citoyens, et l’opinion publique serait à jamais la reine des rois.

Mais ceux qui considéraient d’un œil plus calme et d’un point plus élevé l’état des choses et le caractère des hommes reconnaissaient que cette effervescence était dans la société et non dans la nation ; que celle-ci était alors impuissante, inerte et passive, comme elle l’avait toujours été, mais que la première ne suivait que des mobiles obscurs et frivoles ; que son enthousiasme verbeux et passager serait sans effet comme il était sans objet ; qu’enfin, loin d’avoir sa source dans l’amour de la patrie, dans la sincère impatience d’une mauvaise administration, dans le désir senti d’une constitution meilleure, cet enthousiasme naissait de l’activité stérile des esprits, las de se montrer toujours sous des formes légères, et jaloux de briller dans un sujet plus vaste et plus grave.

En effet, au milieu d’une société spirituelle et désœuvrée comme la nôtre, les entretiens ne sont en général qu’une lice ouverte à l’imagination ; la plupart des hommes y viennent déployer un langage de représentation tout brillant de principes délicats et philosophiques dérobés au théâtre et aux romans (et j’appelle de ce nom les écrits de plusieurs grands philosophes, non qu’à mon sens ils n’aient dit la simple vérité, mais cette vérité est en effet toute romanesque par sa disproportion avec nos mœurs) ; de même donc que nos drames ne sont le plus souvent que des conversations, nos conversations sont aussi des espèces de drames où chacun se met en scène, où chacun se plaît à grandir, à colorer ses pensées, et donne à ses discours, pour ainsi dire, un costume théâtral artistement disposé pour l’effet de la perspective. Ce n’est pas que tout cela ne soit aussi innocent qu’ingénieux ; on ne veut point déguiser les objets ni tromper les esprits, on veut embellir, on veut frapper et surprendre ; mais comme le vrai est toujours la base de cette éloquence, elle nous persuade, elle nous abuse involontairement, d’autant plus que l’exagération outrée en est inséparable ; car chacun voulant parler plus fort et plus haut que les autres, la raison sort bientôt de sa modération, de peur de paraître faible et pusillanime.

C’est ainsi qu’au milieu de la fermentation excitée par l’assemblée des notables, malgré les vérités qui éclataient dans la véhémence des discours, le public de Paris ne fit voir, en quelque façon, qu’une grande troupe de comédiens jouant des personnages républicains devant un peuple immense qui applaudissait le geste et la déclamation. La loquacité futile des orateurs de nos cercles et de nos clubs ne peut se peindre sous une autre image ; ainsi qu’un médiocre acteur, outre la passion qu’il ne sent point, on représentait partout la liberté civile comme une indépendance personnelle destructive de l’ordre social, comme celle du sauvage ; vous eussiez cru voir des esclaves ingénieux abusant des saturnales. Jamais la Cité de Londres n’entendit tant de propos séditieux que le Palais-Royal.

Au reste (et ceci ôte à mes réflexions tout soupçon d’humeur et de malignité), il ne faut point pour cela mépriser l’opinion publique ; son empire n’en est pas moins juste et moins nécessaire, elle ne se compose pas moins des meilleurs et des plus sages principes. Les hommes ne pensent point tout ce qu’ils disent, mais ils disent ce qu’ils devraient penser, et c’est ainsi qu’on les a vus quelquefois, par une heureuse contradiction avec eux-mêmes, agir plutôt suivant leurs discours que suivant leurs sentiments. Dans une nation libre, dit Montesquieu, il est très-souvent indifférent que les particuliers raisonnent bien ou mal, il suffit qu’ils raisonnent ; de là sort la liberté qui garantit des effets de ces mêmes raisonnements.

Par une suite de ce vice de la constitution monarchique, qui réunit sur les mêmes têtes les exemptions et les dignités, les avantages de l’orgueil et de l’intérêt, le clergé jouit du privilège aussi utile qu’honorable d’offrir ses contributions sous le nom de don gratuit ; sa quotité n’en étant point fixée, les besoins continuels ont mis le gouvernement dans la nécessité de négocier à chaque assemblée pour l’augmentation de ce don, que le clergé fait toujours habilement payer par des promesses et des déclarations qui étendent ou confirment ses droits et ses prétentions. De là est venue la permission que le roi lui donne d’emprunter pour acquitter sa contribution en tout ou en partie ; de là s’est formée la masse de ses dettes, dont il paie les intérêts sur ses décimes ou impositions personnelles, aussi bien que les sommes qu’il emploie au remboursement graduel du capital de sa dette ; ainsi, quand même les taxes qu’il prélève sur lui-même seraient proportionnées à ses revenus, il ne contribue pas réellement dans cette proportion, puisque, d’un côté, il doit toujours ce qu’il donne à l’État, et de l’autre, il retient une partie de sa véritable contribution pour payer ce qu’il doit ; il est évident qu’il ne contribue que de la somme employée au remboursement, et lui-même en fait l’aveu implicite lorsqu’il prétend que sa dette est celle de l’État ; il n’a point payé d’impôt, puisqu’il n’a fait que prêter son crédit au gouvernement.

Ainsi, celui qui, non content d’astreindre le clergé aux mêmes charges que le reste de la nation, le contraignait en même temps de libérer son revenu par une aliénation partielle de son fonds, faisait en cela une chose raisonnable et utile, même au clergé ; il éclaircissait, il augmentait le revenu imposable, il identifiait la propriété du clergé avec toutes celles du royaume, et anéantissait tout à la fois le privilège, ses causes et ses effets.

Tel était le plan de M. de Calonne, en autorisant le clergé à vendre ses justices, chasses et droits honorifiques, à recevoir le remboursement des rentes qui lui étaient dues, et à employer les sommes qui en proviendraient à l’extinction de sa dette générale.

Mais ce plan contrariait visiblement le système du clergé ; sa conduite est celle d’un vrai célibataire, d’un usufruitier pressé de jouir, qui sacrifie l’avenir au présent, et s’inquiète peu de grever ses successeurs d’une lourde hypothèque, pourvu qu’il soit soumis à de moindres charges. Aussi, quelque ruineuse que paraisse une opération qui consiste à se charger d’intérêts perpétuels pour payer ses taxes annuelles, l’accumulation de sa dette lui est avantageuse sous d’autres rapports ; il s’en fait un prétexte éternel pour discuter et diminuer ses sacrifices, un épouvantail pour écarter les demandes du gouvernement, et un voile pour dissimuler sa richesse ; l’usage de son crédit flatte son orgueil lorsqu’il le voit supérieur à celui du roi ; enfin sa dette fortifie sa considération et son existence personnelle, en intéressant une partie de la nation à la conservation de sa fortune et de ses privilèges.

À cette nouvelle attaque la fureur du clergé ne fut pas moins éloquente et moins adroite que son intérêt était puissant. C’était peu de démontrer l’impossibilité du plan par sa nature même, par la difficulté de vendre tant d’objets qui ne trouveraient point d’acquéreurs ; son insuffisance, le produit de l’aliénation ne pouvant libérer qu’une faible partie de la dette ; son inutilité, l’aliénation n’étant ordonnée par la loi qu’au débiteur insolvable, et le crédit du clergé garantissant sa solvabilité ; son illégalité, en ce qu’il blessait le droit des fondations ; son danger, par le tort qu’en éprouveraient les hôpitaux, les collèges et autres possesseurs de rentes foncières ; son injustice à l’égard du clergé même, qui serait obligé de faire dédommager ceux de ses membres dont les biens auraient été aliénés par les autres ; enfin c’était peu de prétendre qu’il portait atteinte à la propriété particulière du clergé : on entreprit d’attacher de nouveau son intérêt à l’intérêt général, en montrant que les principes de ce plan n’étaient pas moins alarmants pour toutes les propriétés particulières du royaume.

Si le roi peut forcer le clergé de vendre son bien, il pourra ordonner de pareilles aliénations à tous ses sujets ; tel était l’argument le plus fort. Inutilement essaya-t-on de représenter le clergé comme un mineur dont le roi est le tuteur naturel, ou comme un simple usufruitier grevé d’une substitution dont le roi est le conservateur, et de distinguer ainsi l’espèce de sa propriété de toutes les autres. Si le clergé, répondait-on, n’est point réellement propriétaire, est-ce à dire pour cela que le roi le soit ? Les biens du clergé ne lui appartiennent pas, mais à tous les individus de la monarchie ; le bénéficier est usufruitier, mais le bénéfice est propriétaire.

Il s’en fallait bien que l’opinion contraire fût anéantie par de si faibles arguments, des vérités nombreuses et puissantes criaient de toutes parts contre eux ; tous les principes de la législation, de la philosophie, poursuivaient les préjugés qui avaient formé ainsi un État au milieu de l’État, et déclaraient la propriété du clergé d’une nature très-distincte des propriétés particulières ; mais ces vérités fondamentales, dont quelques années amèneront l’évidence et les grands effets, elles manquaient alors de bouches pour les annoncer, et d’oreilles pour les entendre : mais la puissance redoutable du clergé les étouffait, tandis que son adresse les écartait en embarrassant la question de tous les subterfuges de la controverse ; dans ce moment, plus que jamais, on le vit traiter des questions publiques comme des thèses de théologie, toutes les subtilités de la discussion grammaticale, les distinctions et les définitions sophistiques, l’art frauduleux de l’école, rien ne fut oublié. M. de Calonne et ses défenseurs se laissèrent engager dans ce labyrinthe ; dès qu’ils essayèrent de répondre sur les bancs, les héros de licence triomphèrent. En effet, on entreprit de défendre le mémoire en soutenant que, textuellement examiné, il ne faisait qu’indiquer l’aliénation comme un moyen de libération, et qu’ainsi on l’accusait à tort de porter atteinte à la propriété du clergé, et surtout à la propriété en général ; les mots furent alors soumis à la dissection de l’analyse ; il fut démontré que le mémoire prescrivait impérativement l’aliénation.


CONSIDÉRATIONS POLITIQUES
DES NOTABLES DE LA HALLE DE PARIS SUR LES AFFAIRES
PRÉSENTES.

Sur l’air : Reçois en ton galetas,
PAR M. CAILLY.
Mme ENGUEULE.

IlsLes notables ont fini ;
IlsComme ils ont fait les capables !
IlsLeur sacré brouillamini
IlNous rendait bien plus misérables.
IlsMais leur complot est f…
Ils s’en retournent la pelle au cu. (bis.)

JEAN LE FORT.

IlIls n’voulaient pas du tiers état,
IlParce qu’il est l’soutien du trône,
IlsLeur fallait l’aristocrat
IlEt que l’roi leur mît la couronne.
IlsMais leur complot est f…
Ils s’en retournent la pelle au cu. (bis.)

Mme SAUMON.

IlLes grands ne voulaient rien payer,
IlParce qu’ils ont ruiné la France.
IlsFaut bien suer et nous r’layer
IlPour engraisser Leur Excellence.
IlsPour eux j’faisons v’nir le pain
IlsEt pour nous ils font v’nir la faim. (bis.)

JEAN MANNEQUIN.

IlsNos seigneurs les calotins
IlsAux curés laissent l’service ;
IlsCe n’est que chez leurs catins
IlQue ces beaux prélats font l’office.
IlIls n’osent trouver ça mauvais
IlD’peur d’être damnés à jamais. (bis.)

FANCHON CHOPINE.

IlSainte noblesse et ce clergé
IlsÇa n’fait qu’un, ça tient ensemble,
IlsMais c’est si bien arrangé
IlsQu’ça fait deux quand bon leur semble.
IlsÇa leur double les moyens ;
IlOn sait qu’deux corps ont quatre mains. (bis.)

PRÊT À BOIRE.

IlsPour nos seigneurs les robins
Leurs ecrits n’sont que du grimoire ;
IlsC’est la robe aux jacobins,
Moquié blanche et moquié noire.
IlsIls ont leurs ouïs et leurs nons
Afin de plumer les dindons. (bis.)

Mme LE LARGE.

IlsJ’pouvons-t’y nourrir tout ça ?
IlsSi l’État fait banqueroute,
IlsFaut bien qu’ces deux ordres-là
Payent leur part ou qu’l’aze les f…
J’les ferons porter à leur taux
À nos grands états généraux. (bis.)

CLAUDE FRÉTIN.

IlsC’est là qu’le meilleur des rois
Connaîtra ce que vaut la France.
J’aurons de la règle et des lois,
On saura sur queu pied qu’on danse.
Un bon père et de bons enfants
Se chériront et s’ront contents. (bis)

NOTABLES EN CHORUS.

IlsAprès qu’j’ons vu tant gruger
IlsLes Brienne et les Calonne,
IlsUn brave et sage étranger
Soutient l’État comm’un’colonne.
Necker change le mal en bien,
Et pour tant d’peine i’n’l’y faut rien. (bis.)


COUPLET

SUR LE MÉMOIRE ADRESSÉ AU ROI
PAR MM. LE COMTE D’ARTOIS, DE CONDÉ, DE BOURBON, D’ENGHIEN, DE CONTI.

PAR LE MÊME.
Sur l’air : Ah ! ma voisine es-tu fâchée ?

Le quintuor sérénissime
Le qPerd à jamais
Son honneur, l’amour et l’estime
Le qDes cœurs français.
Mais il lui reste ses écuries,
Le qSes bas valets,
Ses chiens, ses capitaineries
Le qEt nos soufflets.


TRADUCTION DE L’ODE D’HORACE À PYRRHA.
Quis multa gracilis te puer, etc.

Pyrrha, quel est l’amant heureux
Qui, le front couronné de roses,
Dans le réduit où tu reposes
Te presse d’un bras amoureux ?

Pour qui, mêlant dans ta parure
La grâce à la simplicité,
Relèves-tu la chevelure
Dont s’enorgueillit ta beauté ?

Crédule, il jouit de tes charmes,
Sans prévoir que bientôt ses yeux
Accuseront, baignés de larmes,
Tes serments trompeurs et les dieux.

Oh ! combien son âme étonnée
Maudira ses folles amours ;
Quand la tempête déchaînée
Obscurcira de si beaux jours !

D’une ivresse, hélas ! passagère
Son cœur éternise l’instant,
Et de ta faveur mensongère
Ignore le souffle inconstant.

Malheureux qui te voit sourire,
Beauté qui trahis et qui plais,
Sans avoir essayé l’empire
Et le danger de tes attraits !

Échappé des ondes perfides,
Je consacre, au port arrivé,
Mes vêtements encor humides
Au dieu des mers, qui m’a sauvé.

— Dernièrement, au foyer de la Comédie-Française, Florence disait «  M. le prince d’Hénin a la petite vérole. — Comment donc ! lui répondit quelqu’un, je ne savais pas que Mlle Raucourt peignît en miniature. »

— « Les vertus, disait l’autre jour Mme de Coaslin, les vertus ne sont que d’institution humaine, les passions sont d’institution divine. »

— Un homme fort accoutumé à mentir racontait une nouvelle. « Je parie contre, dit M. Martin. — Vous auriez tort, lui dit à l’oreille son voisin, rien n’est plus vrai. — Eh bien, si c’est vrai, pourquoi le dit-il ? »

— Le 21 octobre, on a donné, sur le Théâtre-Italien, la première représentation de Césarine et Victor, comédie en vers et en trois actes, de M. Desforges, l’auteur de la Femme jalouse, de Tom Jones à Londres, etc. Le succès de cette pièce a été très-équivoque ; les convenances de mœurs n’y sont guère plus observées que la vraisemblance des événements, et quelque bizarre que soit l’intrigue, le dénoûment n’en est pas moins prévu dès le premier acte. Les défauts du plan n’ont pu être rachetés par le mérite de quelques scènes dont l’intention est assez piquante et les détails agréables ; mais il y a dans le rôle de Césarine des traits d’une naïveté singulière, qui ont été parfaitement bien rendus par Mlle Carline, et c’est ce qui a soutenu au moment l’ouvrage.

— Depuis près de deux ans, M. le comte de Lauraguais s’est enseveli dans la poussière de nos bibliothèques, et surtout dans celle des Bénédictins de Saint-Germain-des-Prés, pour consulter tout ce qui nous reste de monuments authentiques sur l’histoire de notre droit public et de nos assemblées nationales ; aussi ne l’appelle-t-on plus dans sa société que Dom Lauraguais. Nous ne devons encore jusqu’ici à tant de recherches et de travaux que deux petites brochures intitulées, l’une : Lettre sur la convocation des gens des trois États, et sur l’élection de leurs députés ; l’autre, Dissertation sur les Assemblées nationales, et sur les trois races des rois de France, par M. le comte de Lauraguais.

Ce n’est pas une entreprise aisée que de faire connaître l’esprit de ces deux diatribes. Tout ce que nous y avons vu de plus clair, c’est que, dans la première, il insiste fortement sur la cohue des états généraux, c’est-à-dire apparemment sur la nécessité d’une représentation très-nombreuse ; que, dans la seconde, il paraît vouloir prouver essentiellement que les états généraux ne sont point les états généraux, qu’ils n’en sont que les députés, les fondés de procuration, parce que, dit-il, « tous les membres d’une nation ont, d’une manière éternelle, et par conséquent inaltérable, une partie souveraine du tout, qui est la souveraineté ; sans cela, le tout pourrait être plus grand ou plus petit que ses parties, ce qui frappe heureusement d’une évidente absurdité ». Cette idée est sans doute d’une métaphysique fort subtile, mais, lorsqu’on en voudra chercher l’application, il sera difficile, je crois, d’en faire quelque chose d’utile ou de raisonnable. Quelque embrouillée que soit l’érudition de M. de Lauraguais, quelque obscure que paraisse en général la profondeur de ses pensées, on a le plaisir de voir briller de temps en temps, à travers ces nuages de poussière et de fumée, quelques traits vraiment lumineux ; ce sont ces traits que nous tâcherons de recueillir ici, sans faire de vains efforts pour suivre un esprit si original dans le cours bizarre et tortueux de sa méthode.

« Ah ! que l’on se tromperait, si l’on croyait que la nature devait établir des facultés égales entre des êtres moraux ! Cet équilibre eût tenté de produire une stérile immobilité entre des êtres qui possèdent par excellence tous les principes du mouvement. La nature était trop sage pour ne pas le rompre, mais elle fut assez sage aussi pour ne le rompre qu’en douant la faiblesse des femmes de la force des charmes, et la vigueur des hommes de la souplesse des désirs. »

« Il est clair comme le jour que depuis deux cent soixante-seize ans, excepté le cas extrêmement rare d’une très-grande majorité, jamais aucun arrêt du Parlement n’exprima ni sa volonté, ni sa pensée… L’article 32 de l’ordonnance de Louis XII, année 1512, porte : Si les juges sont de trois opinions ou davantage, chaque opinion plus faible que les deux plus fortes sera obligée de se résoudre dans l’une de ces deux opinions les plus nombreuses. Or, l’assemblée des chambres est à peu près de cent cinquante membres ayant voix délibérative. Supposez à présent que la première fois qu’on opine, les deux avis plus nombreux que tous les autres aient été, l’un de vingt-quatre voix, l’autre de vingt-cinq ; supposez ensuite que la seconde fois qu’on va aux opinions, les avis représentés par des quantités moindres que vingt-quatre, mais faisant ensemble cent une voix séparées en diverses opinions, et toutes contraires aux deux avis les plus nombreux, se partagent de manière que cinquante voix se fondent dans l’avis des vingt-quatre, cinquante et une dans l’avis des vingt-cinq, voilà le nombre des vingt-quatre élevé à soixante-quatorze, et celui des vingt-cinq à soixante-seize. Mais l’identité d’avis de soixante-quatorze personnes contre soixante-seize est absolument une fiction, une chose imaginaire ; car la forme qui oblige toutes les opinions différentes entre elles à se fondre dans les deux plus nombreuses donne, dans le cas que nous supposons, l’effet de la majorité légale à vingt-cinq voix contre cent vingt-cinq…

« La liberté, au lieu de s’irriter de voir la noblesse imaginer qu’elle est dans la société ce que la fable est à l’histoire, ne gagnerait-elle pas infiniment à détruire tout privilège, et ne serait-il assez pas sage de rester ce qu’on est, et de garder ce qu’on a ?

« Veut-on savoir ce que le siècle passé a de commun avec le nôtre ? le voici : c’est d’avoir été entraîné, comme tous les siècles, par la marche du temps. On a vu quelquefois d’assez grands génies pour sembler la hâter, mais jamais il ne fut dans la puissance humaine de la ralentir et d’en changer la direction. Les hommes qui paraissent créer les événements sont ceux qui se trouvent égaux aux circonstances, et qui les trouvent égales à eux. Le prince de Condé était plus grand qu’elles, il ne le sentit pas, il voulut les mesurer à lui, et cette comparaison, ainsi que cette méprise, les rendirent ridicules tous deux. »

Ah ! monsieur le comte, pourquoi n’écrivez-vous pas toujours ainsi ?

Mémoires de M. le duc de Saint-Simon, ou l’Observateur véridique, sur le règne de Louis XIV, et sur les premières époques du règne suivant ; trois volumes in-8o. (L’ouvrage original a onze volumes in-folio[1], mais il est hérissé de détails rebutants et de redites fatigantes.)

Les trois volumes que nous avons l’honneur de vous annoncer ne sont qu’un extrait des Mémoires de M. de Saint-Simon, mais où l’on assure avoir conservé scrupuleusement les expressions de l’original, sans s’être permis d’y ajouter une seule phrase. Si c’est, comme on l’a dit dans le monde, l’extrait qu’en avait fait anciennement l’abbé de Voisenon pour M. le duc de Choiseul, il est à présumer que l’ouvrage a été imprimé sur une copie fort défectueuse, car on y rencontre à tout moment des phrases qui n’ont ni fin ni liaison, et de ces sortes de fautes qui ne peuvent être attribuées qu’à l’impéritie de l’imprimeur ou du copiste. Quoi qu’il en soit, les Mémoires de M. de Saint-Simon, dont il existait depuis longtemps plusieurs copies manuscrites, ont été cités si souvent par nos meilleurs écrivains que l’extrait qu’on nous en donne aurait été plus imparfait encore, qu’il ne pouvait manquer d’exciter une grande curiosité. On ne trouve guère dans ces trois volumes que des anecdotes domestiques sur le caractère de Louis XIV et de ses ministres, sur celui du Régent et de ses favoris, sur la cour de Philippe V ; mais il en est un assez grand nombre dont l’originalité est vraiment fort piquante. Si le style de M. de Saint-Simon est en général d’une grande négligence, il étincelle quelquefois d’expressions infiniment énergiques, de traits que n’eût point désavoués le génie de Tacite et de Montesquieu. Si l’amertume et la causticité sont les caractères habituels de sa manière de voir, il n’en loue pas avec moins de grâce ; personne n’a peint avec plus de charme l’âme et les vertus de Fénelon ; voici ce qu’il dit de sa physionomie :

« Elle ne pouvait s’oublier, ne l’aurait-on vue qu’une fois ; elle rassemblait tout, et les contraires ne s’y combattaient point ; elle avait de la gravité et de l’agrément, du sérieux et de la gaieté ; elle sentait également le docteur, l’évêque et le grand seigneur ; ce qui y surnageait, ainsi que dans toute sa personne, c’était la finesse, l’esprit, les grâces, la décence, surtout la noblesse. Il fallait faire effort pour cesser de le regarder. »

Malgré la multitude des ouvrages écrits sur le règne de Louis XIV, il semble que l’énigme fastueuse du caractère de ce prince ne se débrouille entièrement à vos yeux qu’en lisant les Mémoires de l’Observateur véridique, beaucoup trop véridique sans doute pour l’intérêt d’une gloire qui en imposa si longtemps à l’Europe entière.

Nouveau Voyage en Espagne, ou Tableau de l’état actuel de cette monarchie, contenant les détails les plus récents sur la constitution politique, les tribunaux, l’inquisition, les forces de terre et de mer, le commerce et les manufactures, principalement celles de soieries et de draps, etc. ; ouvrage dans lequel on a présenté avec impartialité tout ce qu’on peut dire de plus neuf, de plus avéré et de plus intéressant sur l’Espagne depuis 1782 jusqu’à présent ; trois gros volumes in-8o[2].

Nous ne croyons pas qu’il existe dans ce moment, en aucune langue, un livre qui soit aussi propre à faire connaître l’Espagne telle qu’elle est aujourd’hui sous autant de rapports, avec plus d’exactitude et de vérité. Ce n’est ni un ouvrage profond, ni un ouvrage brillant, mais on y trouve partout l’empreinte d’un esprit sage et mesuré, d’un bon esprit qui cherche à bien voir, et qui juge tout ce qu’il voit avec une grande impartialité. Ce nouveau tableau de l’Espagne est de M. le chevalier de Bourgoing, élève de l’École militaire, qui a passé plusieurs années en Espagne avec M. le comte de Montmorin, et qui est dans ce moment ministre du roi à Hambourg ; c’est lui du moins qui en avait rassemblé tous les matériaux. Les occupations dont il est chargé ne lui ayant pas permis d’en achever entièrement la rédaction, il en a laissé le soin à son ami, M. l’abbé Girod, qui parcourut lui-même une grande partie de l’Europe, et qui eut l’honneur d’accompagner Mgr le comte d’Artois au siège de Gibraltar.

— Chaque jour, chaque heure, pour ainsi dire, voit éclore quelque nouvelle brochure, quelque nouveau volume sur les états généraux, et si l’on rassemble tous ces écrits à la Bibliothèque du roi, l’on y comptera très-incessamment plus de volumes encore sur la constitution de la monarchie qu’il n’y en a déjà sur la constitution Unigenitus ; car sur cette grande et belle question, il n’y en a, dit-on, guère au delà de dix mille. Ne pouvant parler en détail de toutes les productions patriotiques du moment, il faut bien choisir. L’une d’elles, qui nous a paru mériter le plus d’attention, quoiqu’un peu trop métaphysique pour faire tout l’effet qu’eût désiré l’auteur, est intitulée de la Convocation et de la prochaine tenue des états généraux en France, par M. Lacretelle ; elle est divisée en deux parties : dans la première, on tâche d’établir nettement l’état de la question ; dans l’autre, les principes généraux d’une saine représentation nationale. Nous avons été frappé de la franchise avec laquelle l’auteur s’explique sur le premier point.

« Disons la chose comme elle est : nous voulons être assemblés en corps de nation, mais nous ne savons comment nous y prendre… Il me semble que j’entends un étranger me témoigner son étonnement et me dire : « Votre nation n’a-t-elle jamais été assemblée ? — Jusqu’au temps où les grands progrès de notre civilisation ont commencé, nous avons eu, à de longs intervalles, ce qu’on appelait des états généraux. — Eh bien, assemblez-vous comme autrefois. — C’est ce que tout le monde a dit d’abord ; mais en y regardant de plus près, nous avons vu que ces convocations représentaient essentiellement des corps de la nation et fort peu la nation elle-même. Nous avouons tous qu’elles ont des vices auxquels il est difficile de se résigner ; il n’y a plus que ceux qui ne les connaissent pas qui les défendent ; ceux qui les ont étudiés craindraient tout, mais ils se rassurent par leur incompatibilité avec l’état actuel du royaume. — Vous êtes trop heureux d’être ainsi conduits à vous affranchir des liens antiques de la barbarie ; il n’y a pas en Europe de peuple libre qui ne vous enviât cette position. Faites votre plan de représentation d’après vos lumières, et pour votre intérêt commun. — Mais qui a le droit de le tracer ? — Que vous importe, si celui qu’on vous offre vous convient ? — Mais s’il ne nous convenait pas ? — Vous ne l’accepteriez pas. N’avez-vous pas vos parlements pour veiller sur vos droits et les réclamer ? — Ils réclament aussi. — Le roi veut donc vous condamner à vos anciens états ? — Point du tout, il voudrait assembler la nation dans un plan meilleur. — Eh bien ? — Eh bien, on lui oppose que cela n’est pas légal. — Quoi ! il n’est pas légal qu’un roi fasse à son peuple plus de bien que le peuple n’avait su s’en faire lui-même ? — C’est une inquiétude qui nous trouble, une question qui nous divise, et c’est pour cela que nous avons une assemblée de notables. — J’avais bien ouï parler de l’inconséquence des Français, mais non pas de leur pédanterie. Qui a pu vous inspirer une crainte si bizarre ? — La déclaration de nos parlements doit avoir ici de l’autorité. — Quoi ! ils résistent également à la cour plénière et à de bons, de vrais états généraux ! Je ne reconnais plus leur sagesse, leur patriotisme, leur générosité. — Il y a, dit-on, une partie de la noblesse, du clergé, qui pense comme eux ; c’est un si beau droit de dominer dans les assemblées d’une nation, une si noble prérogative que celle de casser ou de corriger ses décrets, qu’on a peine d’y renoncer. — Je commence à vous entendre. — Non, vous ne m’entendez pas… Loin d’inculper les parlements, je crois que s’ils séparent les droits de leurs corps de ceux de la nation, c’est qu’ils n’ont pas encore assez aperçu combien cette séparation serait funeste et coupable. S’ils paraissent résister dans ce moment à un bienfait du gouvernement, c’est par un mouvement trop prolongé de la ferme résistance qu’ils ont dû faire à une subversion désastreuse, etc. »

Pour retrouver les principes généraux d’une saine représentation nationale, M. Lacretelle remonte jusqu’aux premiers principes de l’ordre social ; c’est cette partie de son ouvrage qu’on a trouvée trop abstraite ; elle l’est surtout relativement à l’objet qu’il paraît avoir eu essentiellement en vue. Ses conclusions n’en sont pas moins raisonnables, et les voici :

« Les grandes nations ne peuvent voter que par représentants ; mais pour que le corps représentatif réunisse les droits de la généralité, pour qu’il puisse les exercer avec cet avantage de modération et cette sûreté de moyens qui peuvent se rencontrer dans une assemblée d’hommes choisis, et non dans une cohue populaire, il faut que la représentation soit un extrait de la nation elle-même, en sorte que la nation elle-même ait concouru à la former.

« Il ne serait guère plus possible de réunir tous les habitants d’un empire pour une élection de députés que pour une délibération commune. Il y a plusieurs classes très-nombreuses qui n’ont pas droit à cet avantage, plusieurs n’y sont pas nécessaires individuellement. Tous ceux qui n’ont dans l’État qu’une habitation transitoire, ceux qui sont trop misérables pour contribuer aux charges publiques jusqu’à une certaine mesure, et qui offriraient plutôt un suffrage à vendre qu’à donner, les soldats qui ont aliéné leur liberté au pouvoir exécutif, les employés du fisc, les domestiques, les ouvriers qui sont sous la direction d’un maître particulier, toutes ces classes ne peuvent ici réclamer ni assistance ni influence… Mais il y a cette équité dans ces exclusions, qu’elles suspendent une faculté plutôt qu’elles ne la détruisent.

« Les grands propriétaires étant en moindre nombre, et ayant un droit sur la chose publique proportionné aux secours plus étendus qu’elle reçoit de leur fortune, on pense qu’il ne serait point injuste de les appeler individuellement. Les petits propriétaires, obligés de se réunir pour donner à l’un d’eux le droit de voter pour tous, n’en risqueraient pas davantage d’être opprimés, leurs délégués formant nécessairement la majeure partie dans le corps électif…

« Ce serait une erreur d’attacher uniquement les droits de citoyen à la propriété du sol. Contribuer aux charges et avoir intérêt aux lois suffit pour associer à la puissance de qui émanent et les impôts et les lois.

« Une société peut avoir admis des classes qui jouissent d’exemptions et de prérogatives particulières ; ces classes, subordonnées à la nation, ne peuvent avoir que par abus des droits exclusifs du bien général et des moyens de l’opérer… Possédant cependant leurs privilèges du consentement au moins tacite de la nation, elles ne peuvent être dépouillées que par un décret national… Mais de cela même il résulte qu’il est contre toute justice et toute raison que ces classes dominent dans l’assemblée représentative, car alors elles pourraient écraser l’intérêt général de l’ascendant de leurs intérêts particuliers, ce qui équivaudrait à la dissolution de la société, en substituant la force au droit ; elles jugeraient dans leur propre cause, ce qui est la plus intolérable usurpation du despotisme même ; elles y jugeraient avec la majorité, ce qui est une oppression par le fait, et une dérision par la forme. »

Après avoir développé ce dernier résultat, l’auteur discute enfin la question qui nous occupe le plus dans ce moment : Qui peut former une assemblée nationale sur de vrais principes, et dans quel cas le peut-on ? Il commence par se perdre dans des raisonnements d’une métaphysique fort subtile, mais il arrive encore à une conclusion qui nous a paru d’une grande évidence et d’une grande sagesse.

« Je l’avouerai, dit-il, je m’étonne de la gravité, de la profondeur que j’ai cherchée dans ces raisonnements, car enfin qu’ai-je prouvé ? Qu’un roi a toujours le droit de faire le bien, et qu’une nation peut en conscience l’accepter. Le souverain peut convoquer une nation mieux qu’elle ne l’était, mais il ne peut lui imposer un plan de convocation ; à elle seule il appartient de le régler. Il dépend donc d’elle de ne pas opérer dans l’ordre qu’il a suivi pour la rassembler, et d’en arrêter un autre. Soit qu’en ceci il fasse bien, soit qu’il fasse mal, il court toujours ce hasard, si cependant il est un hasard qui amène les hommes à refuser leur bien offert par une autorité dont l’ascendant est si puissant sur les choses, et dont les intentions généreuses ont un si grand charme pour les cœurs. En un mot, à lui le provisoire, à la nation le définitif. Tout peut être bon dans ce qu’il a fait, rien ne peut être légal que par ce qu’elle acceptera.

« Quel est le titre en vertu duquel on peut réclamer pour une nation le dernier plan de ses assemblées ? point d’autre que son intérêt. Or, si la nation est mieux représentée, non-seulement son droit reste en entier, mais il est accru… Un propriétaire évincé serait-il bien reçu à se plaindre de ce qu’ayant abandonné son champ inculte, on le lui rendrait dans une plus florissante culture ? etc. »

— Une autre brochure écrite dans le même esprit, mais plus particulièrement adaptée à la circonstance présente, intitulée les États généraux convoqués par Louis XVI, est de M. Target, avocat au Parlement, et l’un des Quarante. Cet excellent écrit respire le patriotisme le plus pur, le plus éclairé, les meilleurs principes, qui y sont mis à la portée de tous les esprits ; et le sentiment qui l’a dicté semble fait pour en imposer à toutes les préventions de l’intérêt personnel et de l’esprit de parti.

L’auteur commence par rappeler tous les présages de l’heureuse révolution qui se prépare. La noblesse et le clergé ont reconnu, dans l’assemblée des notables de 1787, la justice de supporter une contribution proportionnelle… La province du Dauphiné vient d’adopter une forme d’États fondée sur la liberté, l’égalité, la fraternité des hommes… Les parlements, détachés de leur autorité et renonçant à un ancien usage, ont renvoyé à la nation son droit antique et imprescriptible d’accorder les subsides nécessaires… Tous les principes d’une constitution nationale ont été avoués, reconnus, consacrés par le roi lui-même. « Qu’on me cite, ajoute-t-il, une seule époque où les préjugés contraires au bien de la nation aient été si puissamment attaqués, où l’intérêt personnel se soit plus noblement retiré à l’approche des intérêts publics, où les droits de la nation aient été plus authentiquement reconnus, où la nation ait développé d’avance plus de lumières et plus de zèle, où les comices généraux aient été convoqués sous de plus heureux auspices ! »

Après avoir fait un tableau rapide et précis de toutes les variations qui ont eu lieu dans la formation de nos différents états généraux, depuis leur naissance jusqu’en 1614, il en conclut avec beaucoup de raison, ce semble, que le roi peut bien exercer le pouvoir que s’arrogeaient les baillis et les assemblées de députation, de donner plus ou moins de représentants au bailliage, pouvoir qui, ayant toujours été exercé sans principe et sans règle, n’est certainement pas une partie de la constitution de l’État.

Questions à examiner avant l’assemblée des états généraux, par le marquis de Casaux, de la Société royale de Londres et de celle d’agriculture de Florence, l’auteur des Considérations sur le mécanisme des sociétés.

Ces questions ne présentent en général ni le même intérêt ni la même clarté que les deux brochures dont nous venons de parler ; mais on y a remarqué cependant le germe de plusieurs idées importantes qu’il serait fort à désirer de voir développer de la manière la plus propre à frapper tous les esprits ; de ce nombre est sans doute la sixième question : Des effets mécaniques d’une banqueroute nationale. « On porte aujourd’hui, dit M. de Casaux, à deux cent cinquante et quelques millions la somme annuellement nécessaire en France pour subvenir à l’intérêt légal des capitaux empruntés par le gouvernement à différentes époques. Qu’on examine s’il y a possibilité d’anéantir pour deux cent cinquante millions de moyens d’acheter, sans anéantir du même coup pour deux cent cinquante millions de motifs pour reproduire. Or, si la somme de deux cent cinquante millions est à la valeur du total de la production annuelle, tant sur la terre que dans l’industrie, comme un est à dix-neuf, il est évident qu’anéantir pour deux cent cinquante millions de moyens d’acheter, c’est anéantir un dix-neuvième du revenu général de la terre et de l’industrie. Mais si le dix-neuvième de ce revenu est évidemment produit par le dix-neuvième de vos travailleurs, voilà donc évidemment aussi le dix-neuvième de vos travailleurs sans autre ressource que les grands chemins… Considère-t-on de sang-froid dans les grands chemins cette multitude de malheureux que la banqueroute nationale y précipite ? Réfléchit-on que le dix-neuvième des travailleurs, joint aux dépendants de toute espèce que les victimes de la banqueroute faisaient vivre, forme bien plus d’un million d’âmes ?… Ce corps formidable n’a besoin que d’un chef pour ne pas se borner aux assassinats suffisants pour subsister pendant la journée. Songez que, dans le nombre des ruinés, il suffit d’un Marius ou d’un Catilina pour changer dans bien peu de temps le nom de tous les propriétaires de la France, etc. »

Ces images sont trop funestes pour y arrêter plus longtemps notre pensée.


LA COURONNE,
ÉPIGRAMME FAITE À LYON.

Larive obtint ici jadis une couronne :
À Duval[3] aujourd’hui tout le public la donne.
Ce public est changeant, mais il s’y connaît bien,
Il rend toujours hommage au plus grand comédien.

— Le mardi 11 novembre, on a donné, sur le Théâtre-Italien, la première représentation des Dangers de l’absence, ou le Souper de famille, comédie en prose et en deux actes, de M. Pujoulx, de plusieurs sociétés littéraires.

Cette pièce, qui est plutôt un proverbe qu’une comédie, malgré beaucoup de scènes inutiles ou languissantes, a eu le succès qu’aura toujours la peinture de nos ridicules et de nos mœurs, lorsqu’on y reconnaîtra du naturel et de la vérité. Plusieurs détails ont paru bien sentis ; le tableau du vieillard jouant à la bataille avec ses deux petits-enfants a quelque chose de doux et d’intéressant. Si le dénoûment ne fait pas plus d’effet, c’est qu’il est beaucoup plus attendu qu’il n’est heureusement préparé. Le caractère de Mme de Florville a des nuances trop prononcées ; on sent bien qu’elle ne peut décemment se dispenser de reconnaître à la fin l’erreur qui l’avait séduite, mais on n’en est pas plus touché de son repentir, et peut-être serait-on même assez excusable de n’y pas croire.

— Le samedi 15 novembre, les Comédiens français ont essayé de donner une représentation du Faux Noble, comédie en vers et en cinq actes, de M. de Chabanon.

Nous eûmes l’honneur de vous rendre compte de cette comédie lorsqu’elle parut imprimée dans les Œuvres de cet estimable académicien[4] ; l’accueil qu’elle vient de recevoir au théâtre n’a que trop confirmé le jugement que nous en avions porté alors ; mais si la sévérité avec laquelle le parterre a traité le Faux Noble n’est pas absolument injuste, elle est au moins infiniment dure et cruelle : les murmures qui avaient commencé dès les premières scènes ont éclaté avec tant de violence à la fin du troisième acte qu’il n’a pas été possible d’achever la représentation. Ce sont moins quelques expressions triviales ou négligées, quelques détails de mauvais goût, qui ont occasionné cette chute effroyable, que l’espèce de langueur qui règne dans tout l’ouvrage ; les situations, comme les caractères, ont paru manquer de naturel et de mouvement ; on sent partout l’effort de l’auteur, qui cherche des contrastes et se tourmente à faire marcher une intrigue qui n’en paraît pas moins immobile. Quelques scènes d’une intention assez comique n’ont produit aucun effet, tantôt parce qu’elles sont trop prolongées, tantôt parce qu’elles passent la mesure de l’exagération théâtrale. La vérité du comique n’est pas la même que celle de l’intérêt, mais il n’y a jamais d’effet au théâtre sans le degré de vraisemblance qu’exige au moins l’illusion du moment. À ces défauts essentiels, que n’ont pu racheter des traits pleins d’esprit et d’un vrai talent, s’est encore joint un tort pour lequel l’auteur s’était flatté d’obtenir grâce plus aisément dans la circonstance actuelle que dans aucune autre, c’est celui d’avoir osé dégrader sur la scène, dans le vil personnage de son duc et pair[5], la première classe de notre hiérarchie politique ; les mêmes personnes qui lisent avec transport tous les ouvrages qui invitent la nation à faire justice des privilèges des différents ordres dans la prochaine assemblée des états généraux ont paru voir avec indignation l’excès de l’avilissement dans lequel on osait lui présenter un grand seigneur. Le peuple veut souvent que l’on respecte l’idole même à laquelle il ne croit plus, et il tient encore en France à ces antiques monuments d’une féodalité qu’il voudrait détruire.

Quoi qu’il en soit, l’auteur du Faux Noble a trouvé une sorte de consolation à se persuader qu’il n’y avait qu’une cabale de ducs qui avait fait tomber sa pièce. À la bonne heure ! Que n’appelle-t-il aussi du parterre aux états généraux, comme M. de La Blancherie, l’agent de la Correspondance générale, qui me disait ces jours passés : « Je suis las de toutes les persécutions qu’éprouve le plus bel établissement dont on ait jamais conçu l’idée (celui de la Correspondance générale). Je travaille dans ce moment à un grand mémoire pour les états généraux ; je suis bien aise de faire décider à la nation assemblée si je suis un sot ou non. »

Dénonciation au public à l’occasion de quelques écrits anonymes, particulièrement d’une comédie ayant pour titre laCour Plénières[6], calomnieusement attribuée à M. Bergasse ; avec des détails sur sa retraite en Suisse, l’époque et les motifs de cette retraite, des réflexions sur le danger de ce qu’on appelle bulletins à la main, et les moyens sourds qu’emploie une cabale pour favoriser et faire renaître les anciens abus de la police ; brochure.

Ce misérable pamphlet, dont nous ignorons l’auteur, mais qu’on ne peut se dispenser d’attribuer à quelque enthousiaste du talent et des vertus de M. Bergasse, est dirigé principalement contre M. de Flandres de Brunville, procureur du roi au Châtelet, que les bruits publics avaient désigné un moment pour remplacer M. de Crosne au département de la police. Nous aurions dédaigné de parler de ce libelle s’il n’avait pas été honoré d’une sentence du Châtelet, qui le supprime comme contenant des faits faux, calomnieux, etc., et si, dans le réquisitoire qui précède cette sentence, nous n’avions pas trouvé cette phrase vraiment remarquable : « Vous ne confondrez pas, messieurs, la licence sans frein qui a enfanté cette production coupable, avec cette liberté si désirable de la presse, cette conquête nouvelle de l’opinion publique, ce moyen puissant de lumières dont nous ressentons déjà les utiles effets, et dont l’avenir nous promet encore de plus heureuses influences… » Et c’est ainsi qu’aujourd’hui l’on parle au Châtelet, dans ce tribunal que l’on vit, il y a quelques années, tout près de condamner aux galères le pauvre M. Delisle, pour avoir fait un livre presque aussi moral qu’ennuyeux, intitulé la Philosophie de la nature !

De Londres et de ses environs. Brochure in-8o. Ce n’est point une description, ce n’est point un voyage, c’est, comme l’auteur l’appelle lui-même, une Promenade d’automne en Angleterre[7]. Mais cette promenade est agréable, intéressante, quelquefois même instructive. L’auteur avoue qu’il n’a passé que vingt et un jours à Londres ; il sent que ce n’est pas tout à fait assez pour étudier en détail les hommes, les mœurs et le gouvernement de l’Angleterre ; mais, pour juger de la physionomie du peuple anglais, des jardins, de la forme des villes et de la beauté du sang, etc., il ne faut, dit-il, que passer la mer, ouvrir les yeux et revenir en France. C’est ce qu’il a fait, et son ouvrage prouve qu’un homme d’esprit et d’imagination peut embrasser beaucoup d’objets en peu de temps et en conserver une impression vive et profonde. Si son style, ainsi qu’il se l’est reproché lui-même, paraît singer quelquefois le langage de la poésie, il a souvent aussi la grâce et le naturel du sentiment le plus vrai.

L’auteur de cette jolie promenade est un Breton, M. de Cambry. Nous n’avions vu jusqu’ici de lui que deux ou trois petits contes et quelques pièces fugitives insérées dans l’Almanach des muses[8], mais nous savons qu’il est occupé depuis plusieurs années d’un grand ouvrage sur les plus anciens monuments de notre histoire[9].


VERS
MIS AU BAS DU PORTRAIT DE M. BERGASSE.

Fidèle à l’amitié, fidèle à la patrie,
Il apprit aux Français à rougir de leurs fers,
Et fort de sa vertu, puissant par son génie,
Il est l’appui du juste et l’effroi des pervers.



  1. C’est la première édition donnée par Soulavie avec le nom de l’auteur M. A. Baschet attribue au même la publication antérieure de la Galerie de l’ancienne cour (1786, 3 vol.  in-12). Voir, sur les transformations successives qu’eut à subir l’incomparable historien, le très-curieux livre de M. Baschet, le Duc de Saint-Simon, son cabinet et l’historique de ses manuscrits (Plon, 1875, in-8o, p. 263 et suivantes), et sur son premier arrangeur avoué (car Voisenon l’avait précédé), J.-L. Giraud-Soulavie, les Petites Notes ardéchoises de M. A. Mazon (Privas, 1870, in-8o).
  2. Quoique cet ouvrage porte le millésime de 1789, il fut publié dans les derniers mois de 1788 ; une quatrième édition parut en 1807 sous le titre de Tableau de l’Espagne moderne, avec le nom de l’auteur et un atlas in-4. — Jean-François baron de Bourgoing parcourut avec succès la carrière diplomatique ; ministre plénipotentiaire à Hambourg, envoyé de Louis XVI en Espagne jusqu’à la Révolution, il fut depuis ambassadeur à Copenhague, à Stockholm et enfin à Dresde, où il mourut en 1811, âgé de soixante-quatre ans. (Ch.)
  3. À son passage à Lyon, M. Duval d’Éprémesnil a été reçu avec des empressements infinis. Lorsqu’on l’a vu paraître au spectacle, il y a été applaudi comme le serait un général d’armée après une victoire qui aurait sauvé le royaume. On a jeté sur le théâtre des vers et une couronne de laurier. Le public a demandé que les vers fussent lus à l’assemblée ; ils ont malheureusement paru fades et mauvais ; cependant on a crié à l’auteur d’aller porter la couronne sur la tête de
    M. d’Éprémesnil. Le Caton de nos jours l’a déposée modestement sur la tête d’un M. Barroud qui était à côté de lui : ce M. Barroud a préféré l’honneur de l’exil à celui de présider un des grands bailliages de M. de Lamoignon. Trop modeste pour garder la couronne, il l’a posée respectueusement sur la tête de Mme d’Éprémesnil, ci-devant Mme Thilorier, ci-devant la maîtresse de M. de Clugny, etc. Cette suite de lazzis, leur chute imprévue, a refroidi l’enthousiasme public, et aux applaudissements se sont mêlés des éclats de rire assez indécents. « Ce qui doit
    immortaliser à jamais M. d’Éprémesnil, disait un de ses plus anciens confrères, c’est d’avoir si bien réussi à faire faire tour à tour la plus grande sottise possible au Parlement et à l’autorité. Ce sont de ces choses de génie qui ne se font pas mieux avec beaucoup d’esprit et de talent. » (Meister.)
  4. Voir précédemment, page 239.
  5. Je sais bien que Dorante, dans le Bourgeois gentilhomme, joue un rôle tout aussi vil que le duc d’Alfort, mais rien ne prouve d’abord que ce comte Dorante soit un homme de qualité ; et quand il le serait, la bassesse de son caractère disparaît, pour ainsi dire, sous le comique des situations où il se trouve placé. Les caractères essentiellement odieux ne peuvent être supportés au théâtre qu’autant qu’ils excitent dans la tragédie encore plus d’admiration que d’horreur, dans la comédie plus de rire encore que de mépris. (Meister.)
  6. La Cour Pleniere, heroi-tragi-comedie en trois actes et en prose, par M. l’abbé de Vermond (par Gorsas) ; Baville (Paris), chez la veuve Liberté, à l’enseigne de la Révolution. 1788, in-8o.
  7. Cambry a publié la même année une brochure sous ce titre ; elle a été réimprimée, ainsi que celle dont Meister rend compte, dans une édition augmentée du Voyage philosophique d’Angleterre, de La Coste, 1791, 2 vol.  in-8o.
  8. Meister oublie qu’il avait déjà cité de lui l’épitaphe d’un jeune homme tué à la Nouvelle-Angleterre ; voir tome XIII, p. 422.
  9. Cambry a publié divers travaux sur les Celtes et les populations primitives de la Gaule, mais seulement à la fin de sa vie. Il est mort en 1807.