Coup d’œil sur l’état des missions de Chine/04

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CHAPITRE IV

Sources des contestations. — Application de M. Humpierres à les faire cesser. — Moyen d’y couper court. — Conclusion.


Sources des contestations.

Il vient d’être parlé des maux qu’entraînent les divisions des ouvriers évangéliques entre eux. Il est à propos de dire maintenant un mot des causes de ces divisions et ensuite du moyen propre à les faire cesser.

Dans la primitive Église, les questions naissaient ordinairement à l’occasion de quelques points de doctrine et de morale, et donnaient lieu ensuite à des schismes et à des hérésies.

Pour les contestations qui ont eu lieu en Chine, il est juste de remarquer deux choses. La première est que ces contestations n’ont eu lieu qu’une seule fois au sujet de questions dogmatiques, et ce fut la trop célèbre dispute sur les rites ; toutes les autres ont eu pour sujet les prétentions opposées de deux missions voisines, relativement à la juridiction sur telle ou telle chrétienté.

La seconde remarque à faire, est qu’on ne trouve pas qu’un seul Chinois ait jamais été le premier auteur d’une contestation ; toujours ce furent des missionnaires européens qui soulevèrent les premières difficultés et formèrent les partis auxquels les Chinois furent forcés de s’adjoindre.

Quant aux sources de ces contestations, il y en a eu de plusieurs sortes. On connaît assez et l’origine et les circonstances de la dispute au sujet des rites chinois : elle est aujourd’hui tout à fait terminée et de toutes parts on professe le plus profond respect par les décisions du Saint Siège.

Les conflits de juridiction qui s’élevaient entre l’ordinaire et certaines congrégations, ont été terminés par l’érection des vicariats apostoliques dans chaque province.

Restent les contestations au sujet de la juridiction sur telle ou telle mission. Ces contestations naissent de l’incertitude des limites respectives. Autrefois les congrégations diverses mêlées ensemble dans la même province, avaient fréquemment entre elles des conflits et des disputes.


Application de M. Humpierres à les faire cesser.

Ici la justice fait un devoir de rendre de la part des missionnaires et des missions, un solennel hommage de reconnaissance et de vénération à M. Humpierres, ancien procureur de la sacrée congrégation en Chine : nul ne comprit mieux que lui les immenses dommages qui résultaient pour les missions de cette confusion de limites, et ne travailla avec tant de dévouement et de persévérance à y remédier.

Chaque mission fut circonscrite à une seule province et on prit la précaution de n’y mettre que les missionnaires d’une même congrégation. Cette heureuse et sage mesure s’exécuta successivement pour toutes les missions de Chine, et même pour celles de Tartarie. Car une bulle du Saint-Siège, émanée en 1840, sépara la Mongolie de la Mantchourie. La Mantchourie resta pour être le vicariat apostolique de Messieurs des Missions étrangères, et Mgr Verolles en fut le vicaire apostolique. La Mongolie forma le vicariat apostolique des Lazaristes, dont Mgr Mouly fut le vicaire apostolique.

Il est clair que si chacun s’en tenant à de si sages dispositions, se fût contenté de sa mission et eût dès lors dirigé ses efforts à faire prospérer la divine parole dans les vastes contrées confiées à sa juridiction, toute contestation fût désormais devenue impossible.

Mais il se trouve toujours des réclamants, toujours des missionnaires mécontents de leur poste, et qui conçoivent le désir et l’espérance de supplanter leurs voisins, pour s’introduire eux-mêmes dans un champ qui les flatte davantage.

Et c’est bien souvent la réputation dont une mission jouit en Europe, qui allume chez les missionnaires voisins l’envie d’en supplanter les ouvriers et de s’en emparer.

Lorsque des missionnaires ont ainsi formé le dessein d’entrer dans les missions d’autrui et d’en faire partir les anciens ouvriers, ils ne manquent pas de couvrir leurs projets de prétextes plus ou moins spécieux ; ils allèguent, par exemple, que les provinces assignées à leurs soins ne contiennent pas assez de chrétiens ; qu’ils ne peuvent pas y résider commodément ; que pour s’y rendre ils doivent passer par des pays non soumis à leur juridiction, etc. Comme si on allait dans les missions étrangères, pour y trouver des chrétientés nombreuses et florissantes, et non pour y augmenter les adorateurs du vrai Dieu ; pour y trouver des résidences commodes et aisées, et non dans l’attente d’y passer ses jours sans avoir où reposer sa tête, à l’exemple de notre divin Maître. Il n’est pas besoin d’une longue discussion pour réduire tous ces considérants à leur juste valeur, et s’ils devenaient des titres suffisants pour se faire adjuger les missions sur lesquelles on aurait jeté la vue, dès lors plus de chrétientés fixes, plus de limites naturelles, plus de fin possible aux changements, aux conflits et aux disputes, et les missions seraient condamnées à rester dans un éternel chaos.


Moyen de couper court ca, ces contestations.

Les limites géographiques données à chaque mission, sont une mesure aussi claire que décisive pour établir la paix. Cette heureuse délimitation coupe racine aux contestations car sur les lieux il est bien facile de connaître les limites de tel ou tel district et de déterminer à quelle province appartient chaque mission.


Conclusion.

Pour résumer ce qui vient d’être dit, il faut donc conclure.

Premièrement : que le plus terrible fléau des missions, le plus puissant moyen dont se sert le démon pour les bouleverser et leur nuire, sont les contestations entre les missionnaires ;

Secondement que plusieurs sources de division ayant déja été heureusement retranchées, il n’en reste plus qu’une, qui est l’incertitude des limites entre chaque mission ;

Troisièmement que cette dernière racine de trouble et de confusion sera même partout coupée irrévocablement, si on établit des limites géographiques à toutes les missions.

Pauvres peuples ! c’est à travers tant de périls, et avec tant de peine qu’un rayon de la vraie lumière parvient jusqu’à vos déserts ; cette douce et tendre étincelle de vie et d’espérance que la religion vous apporte, vous la conservez avec un soin infini au milieu des dangers, des vexations de tout genre, des terreurs et d’un martyre continuel Pourquoi faut-il que des orages sans cesse renaissants viennent encore vous assaillir ? Quand finiront donc pour vous les changements, les troubles et les tiraillements de juridiction ? Quand viendra donc le jour où la foi pourra vous être annoncée sans entraves et sans confusion !


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