Coup d’œil sur l’état des missions de Chine/11

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CHAPITRE XI

Instruction de la sacrée Congrégation de la Propagande adressée aux archevêques, évêques, vicaires apostoliques et autres supérieurs des missions[1]

Il n’est plus possible à personne d’ignorer avec quel zèle et quels soins le Saint-Siège, attentif aux devoirs de la charge qui lui a été confiée, s’est constamment appliqué à propager de plus en plus la lumière de l’Évangile, afin que les nations ensevelies encore dans les ténèbres et à l’ombre de la mort, puissent discerner la splendeur de la vérité éternelle, et persévérer inébranlablement dans la parole divine une fois qu’elles l’auront reçues. Qu’il existe deux moyens principaux et comme nécessaires pour la propagation et l’affermissement de la religion catholique, savoir la mission d’évêques, « institués par le Saint-Esprit pour gouverner l’Église de Dieu », et la formation assidue d’un clergé indigène ; c’est une vérité établie par tes autorités les plus graves, entr’autres par l’exemple des apôtres, et l’usage universel de la primitive Église. Ainsi pour ne point nous étendre ici sur les témoignages si connus et si explicites d’ailleurs, fréquemment rapportés dans les saintes Écritures et surtout dans les Épîtres des apôtres et dans leurs Actes, rien n’est plus exprès sur ce sujet que ce passage de saint Clément, Romain, disciple de saint Pierre, l’aide et le compagnon de saint Paul, écrivant aux Corinthiens au sujet des apôtres Lett. 1, chap. 44. « Ils instituèrent donc ces évêques, et laissèrent pour règle de la succession à venir que lorsque ceux-ci viendraient à manquer, d’autres hommes approuvés recevraient leur ministère et leur dignité. » Dans le siècle suivant, saint Irenée disait (contre les hérés, liv. 3, chap. 3.) : « Nous avons à énumérer les évêques qui furent institués par les apôtres et leurs successeurs jusqu’à nous ». De plus, tel fut le zèle déployé par l’Église dès le commencement pour augmenter le nombre des évêques, et sa sollicitude pour multiplier de plus en plus leurs sièges, dans chaque pays, que saint Cyprien atteste par de mémorables paroles qu’il en a été ainsi partout, bien avant son siècle : « Depuis longtemps, dit-il, dans sa 52e Lettre à Antonin, des évêques ont été consacrés dans toutes les provinces et dans toutes les villes. » C’est ainsi encore que saint Augustin (contre Crescen. Liv. 5, 18), énumère les évêques qui se sont succédés sans interruption depuis le siècle des apôtres jusqu’à son temps.

Il n’est pas moins établi par les saintes traditions que les apôtres ainsi que les évêques envoyés par eux jusqu’aux contrées les plus reculées, ordonnèrent un grand nombre de prêtres et de ministres pris parmi les indigènes, et en formèrent un clergé propre à affermir et à propager la religion chrétienne. C’est ainsi que saint Ignace, martyr, disciple de saint Pierre, et son successeur sur le siège d’Antioche après Evodius, fait une description exacte des prêtres et des diacres institués avec l’évêque dans les églises diverses. « Appliquez-vous, dit-il, dans sa Lettre aux Magnésiens, n° 13, à vous affermir dans la doctrine du Seigneur et des apôtres, avec votre saint évêque, et le cortège spirituel de vos vénérables prêtres, et des diacres, dont la vie est selon Dieu. » Et dans une autre aux Smyrniotes, n° 12, il salue l’évêque, saint devant Dieu, les prêtres, honorables devant Dieu, et les diacres confrères. On voit le même témoignage dans la première lettre de saint Clément citée plus haut, où. (chap. 40.), il dit à ce sujet de l’Église des Corinthiens : « Des fonctions spéciales ont été dévolues au souverain prêtre, à chaque prêtre a été assignée une place particulière, les lévites aussi ont leur ministère propre. » Nous ne devons pas non plus passer sous silence Eusèbe, quoique plus éloigné du temps des apôtres ; le témoignage qu’il rend ne saurait être plus clair (Hist. Ecclés., liv. 3, chap. 23). « Lorsqu’après le décès du tyran, Jean fut revenu à Ephèse, il se rendit sur invitation aux provinces voisines, partie pour établir des évêques., partie pour élever et organiser des églises entières„ partie encore pour initier les hommes que l’Esprit-Saint lui faisait connaître, à quelque degré de la cléricature, c’est-à-dire à la milice du seigneur. »

Aussi, attentifs à suivre l’exemple et les traces des apôtres, les pontifes de Rome, mis par l’autorité divine à la tête de l’Église universelle, n’ont jamais cessé, même dès les premiers temps, mais surtout durant le cours des trois derniers siècles, par le moyen de cette sacrée Congrégation, spécialement consacrée à la sainte œuvre de la propagation de la foi, de mettre tous leurs soins en multipliant le plus possible les évêques, en érigeant des églises, partout où s’en rencontrait la faculté, à maintenir l’intégrité de la religion et à en augmenter les progrès ; et cette sage et sainte sollicitude s’est étendue non seulement aux contrées primitivement éclairées du bienfait de l’Évangile, mais encore à celles où, durant le cours des siècles, la dépravation de l’hérésie ou les superstitions païennes mettaient la foi catholique en péril. Si dans quelques lieux les révolutions ou d’autres causes graves n’ont pas laissé la liberté d’établir des titulaires et des évêques ordinaires, on s’est empressé d’y envoyer des vicaires apostoliques, revêtus du pouvoir et du caractère épiscopal pour y gouverner la société des fidèles : il n’est resté qu’un fort petit nombre d’endroits où pour des raisons de la dernière importance, on a été obligé de s’en tenir à de simples prêtres pour chefs du troupeau catholique ; et cela s’est fait dans le désir et la ferme résolution de profiter de la première occasion favorable pour y reconstituer la forme de la hiérarchie ecclésiastique dans toute sa perfection.

Ainsi donc, que les Pontifes romains, selon la sainteté de leur dignité suprême, aient tous également consacré leurs soins et leurs efforts, à procurer que les évêques envoyés dans les diverses parties du monde pour être préposés à leurs églises, pressassent avec un infatigable zèle l’institution d’un clergé indigène, c’est une vérité incontestable pour tout le monde et confirmée de plus par une multitude de témoignages. Pour cela des secours de tout genre ont été envoyés aux évêques des contrées même les plus éloignées, afin de les aider à ériger des séminaires où les enfants des indigènes, destinés à être initiés aux ordres sacrés, pourraient être formés à la piété et à la science ; pour cela des collèges nationaux ont été construits en grand nombre, soit à Rome, soit ailleurs avec un immense déploiement de dépenses et de travaux. À cette fin encore, des facultés spéciales et extraordinaires ont été accordées aux évêques et aux vicaires apostoliques pour faciliter plus particulièrement dans certains endroits, la promotion des indigènes à l’honneur et au rang du sacerdoce ; pour cela enfin furent écrites tant de lettres et tant de constitutions des Pontifes romains, en nombre presque innombrable, ainsi que de leur autorité, tant et de si considérables instructions et décrets dressés par cette sacrée Congrégation, témoignage à coup sûr irréfragable qui attestera aux âges à venir, la sollicitude apostolique déployée dans cette cause.

Il serait bien trop long de repasser mie à une, ou même simplement d’énumérer les bulles pontificales relatives à ce sujet, portées depuis les premiers siècles de l’Église jusqu’à nous. Il suffira de citer ici quelques-unes de celles qui ont été publiées depuis l’origine de cette Congrégation jusqu’à nos jours. Ainsi, dès l’année 1626, il avait été recommandé à l’évêque du Japon « de promouvoir aux ordres sacrés et jusqu’à la prêtrise, les Japonais nécessaires et jugés capables. » Peu de temps après, en date du 28 novembre 1630, il fut généralement décrété touchant les Indiens, « de pouvoir par toute sorte de moyens à ce que les hommes les plus capables parmi les Indiens, après une sérieuse et diligente éducation, une épreuve de moralité subie pendant quelques années, et une pratique assidue de la piété et des exercices de la religion chrétienne, fussent promus aux ordres sacrés, et jusqu’à la prêtrise. »

L’année 1659, le pape Alexandre VII, d’immortelle mémoire, ordonna expressément de faire avertir par cette sacrée Congrégation les vicaires apostoliques qui partaient pour les royaumes du Tong-King, de la Chine et de la Cochinchine, « que le motif principal d’envoyer des évêques dans ces pays avait été qu’ils missent leurs soins à former par tous moyens, et suivant toute méthode, cette jeunesse de telle sorte, qu’elle fût rendue capable du sacerdoce, consacrée par leurs mains, et placée dans les divers lieux de ces vastes régions, pour y veiller avec tout le zèle possible au soin des affaires religieuses sous leur direction. » C’est pourquoi il leur ordonna d’avoir sans cesse présent devant les yeux « le but de former et de promouvoir aux ordres, en temps opportun, le plus grand nombre et les plus dignes sujets qu’ils pourraient rencontrer. »

De semblables dispositions se trouvent dans les constitutions du même saint Pontife : Sacro sancti, 18 janvier 1648. Super cathedram, 9 sept. 1649 ; et de Clément IX : In excelso, et Speculatores, l’une et l’autre du 13 sept. 1669, et aussi de Clément X : Decet Romanum, du 23 déc. 1673 ; répétant unanimement « que dans les royaumes de Chine, de Tong-King, de Cochinchine, de Siam et pays limitrophes, on a envoyé et établi des évêques, vicaires apostoliques, principalement dans le but qu’on choisit parmi les chrétiens indigènes et les habitants de ces contrées, des sujets pour en former des clercs et des prêtres, afin que, suivant l’accroissement de la foi et du nombre des fidèles, l’usage de la discipline ecclésiastique fût peu à peu mis en vigueur.

En outre, Innocent XI, par des lettres apostoliques en forme de bref, commençant : Onerosa pastoralis, au sujet des missions chinoises, en date du 1er avril 1680, ordonna « d’augmenter le nombre des vicaires apostoliques, afin que ces immenses régions fussent administrées dignement et avec fruit, et que chacun d’eux s’appliquât à former et à ordonner prêtres des naturels ou des indigènes. »

Quoi encore ! Ce vénérable Pontife voulant faire avancer le plus efficacement possible l’institution d’un clergé indigène dans les États dont nous venons de parier, alla jusqu’au point de conférer à ses légats, les évêques d’Héliopolis et de Bérythe, entr’autres pouvoirs, « celui de forcer même les vicaires apostoliques, par les peines canoniques, à instruire et à ordonner des clercs et des prêtres pris parmi les naturels ou les indigènes, afin de préparer la voie à l’institution d’évêques indigènes », et ce Pontife même commença dès lors à le faire mettre en pratique en quelques endroits. Sur le même sujet vinrent successivement les lettres en forme de bref, de Clément XI : Dudum felicis, 7 décembre 1705 ; le décret de Clément XII, 16 avril 1736 ; plusieurs constitutions de Benoît XIV ; la lettre encyclique de Pie VI, 10 mai 1775 ; et enfin un grand nombre de décrets relatifs à la même question, rendus par notre saint Père Grégoire XVI, et promulgués par cette sacré Congrégation.

Et néanmoins, malgré tant de peines et de sollicitudes, les succès que le Saint-Siège avait droit de se promettre n’ont point répondu à son attente, ainsi que l’atteste une triste expérience. On ne doit pas, il est vrai, passer sous silence le zèle et l’assiduité avec lesquels un grand nombre d’évêques et de vicaires apostoliques, bien dignes de toute sorte de louanges, travaillent spécialement en Chine et dans les royaumes voisins, si fructueusement à l’institution d’un clergé indigène. Et nous ne devons pas cesser de répéter, et même avec la plus grande joie, que la foi catholique a jeté dans ces pays des racines si profondes et si étendues, qu’elle y présente tout à fait l’aspect d’une religion indigène, florissant depuis une longue succession d’âges, et demeurant inébranlable, sans que les persécutions des païens, les plus longues et les plus acharnées, aient jamais pu amener sa ruine.

Cependant nous avons en même temps présents à la pensée ces peuples infortunés qui, des extrémités de la terre, semblent tendre leurs mains suppliantes vers la chaire de saint Pierre ; eux au milieu desquels la vigne du seigneur plantée autrefois au prix de soins immenses, se trouve maintenant, par la pénurie d’ouvriers, occasionnée par la négligence à y former un clergé indigène, dans un état d’aridité et de souffrance qui lui laisse à peine l’aspect d’une chrétienté naissante, produisant de loin en loin quelque germe nouveau. Ajoutons encore que par l’effet heureux des événements que la miséricorde du Seigneur a fait naître de nos jours, on a vu s’évanouir tout à fait, ou du moins diminuer sensiblement les obstacles qui empêchaient la religion catholique de se répandre, et de se constituer en plusieurs endroits sous une forme plus canonique. De cette sorte on se sent comme appelé à hâter l’oeuvre salutaire par ces paroles évangéliques « Élevez vos yeux, et voyez les contrées, parce qu’elles sont déjà toutes blanches pour la moisson. » Jean, chap. 4, v. 25.

Telles sont donc les causes pour lesquelles la sacrée Congrégation a jugé d’une opportunité imminente, d’exhorter de nouveau avec toute l’instance possible, et d’avertir les supérieurs des missions diverses, de réunir tous leurs efforts, afin de poursuivre avec plus d’efficacité une œuvre si importante. C’est pourquoi, dans l’assemblée générale du 19 mai de cette année, traitant des délibérations du concile de Pondichéri, pour confirmer de plus en plus l’évêque de Drusipare et les autres saints vicaires apostoliques, dans la sainte entreprise dont il est question, et pour ramener les autres, s’il en était besoin, aux décrets déjà tant de fois rendus au sujet de cette affaire, elle a jugé convenable de rédiger une instruction adressée à tous les archevêques, évêques, vicaires apostoliques et autres supérieurs des missions, d’y statuer et d’y ordonner les dispositions suivantes :

I. D’abord, tous les supérieurs des missions, sous quelque titre qu’ils en soient chargés, doivent s’adonner tellement à faire avancer et à affermir la foi catholique, que les endroits encore privés d’évêques, en soient pourvus le plus tôt possible ; dans les endroits encore où l’entendue des pays l’exige ou même en laisse la faculté, le nombre des évêques doit être augmenté par la division des territoires, afin que les églises puisent une fois se voir constituées dans la perfection de la forme hiérarchique.

II. Ils devront encore également apporter un soin et un zèle extrême, puisque c’est là le point principal de leurs devoirs, à choisir des sujets parmi les chrétiens indigènes, ou parmi les naturels de ces contrées, pour en former des clercs éprouvés qu’ils admettront à la prêtrise ; afin que par ce moyen, au fur et à mesure que s’accroîtront la foi et le nombre des fidèles, l’usage de la discipline ecclésiastique, soit peu à peu mis en vigueur, et la religion catholique définitivement constituée. Dans ce but, il sera infiniment avantageux, et même tout à fait indispensable de foncier des séminaires, dans lesquels les jeunes gens appelés par le Seigneur à la dignité du sacerdoce, seront dûment et longtemps formés et initiés aux saintes doctrines.

III. Les lévites indigènes devront être soigneusement formés dans la science et la piété, et exercés dans les fonctions du saint ministère, afin que, conformément aux voeux du Saint-Siège, ils soient rendus propres à toutes les dignités ecclésiastiques, capables de gouverner les missions et même dignes du caractère épiscopal. Un semblable dessein cependant, étant d’une si haute importance, pour qu’il soit plus sûrement conduit à bonne fin et puisse être mis à exécution, lorsque le temps en sera venu, avec avantage pour la religion, les sujets désignés pour une si haute dignité, doivent d’avance être accoutumés à en supporter le fardeau. C’est pourquoi les supérieurs des missions devront former graduellement, pour les fonctions principales, ceux d’entre les clercs indigènes qu’ils trouveront les plus dignes, et ne devront point, dans l’occasion, hésiter à les désigner pour leurs vicaires.

IV. De là on devra rejeter et abolir tout à fait l’usage de réduire les prêtres indigènes à la condition justement odieuse de n’être qu’un clergé auxiliaire ; bien plus, lorsque la prudence permettra d’en réduire la règle en pratique, il faudra que parmi les ouvriers évangéliques, sans égard à leur qualité d’indigènes ou d’Européens, toutes choses d’ailleurs égales, l’ordre de préséance ait lieu d’après l’ancienneté de l’exercice du ministère des missions, et qu’ainsi les honneurs, les dignités et les degrés soient dévolus à ceux qui s’acquittent depuis un plus long temps des fonctions sacrées.

V. Dans beaucoup d’endroits, il est arrivé que, négligeant et mettant entièrement de côté la formation d’un clergé indigène, les ouvriers évangéliques ont pris la coutume de s’adjoindre des catéchistes laïcs pour les aider dans le ministère, et ont trouvé peut-être leur coopération très utile à la propagation de la foi. Mais, comme cette règle de conduite n’est point tout à fait conforme aux sentiments du Saint-Siège, ni aux maximes du ministère ecclésiastique, et de plus que de graves abus se sont notoirement introduits en cette matière, par suite de l’ignorance et de l’incapacité de ces catéchistes, la sacrée Congrégation recommande à tous les supérieurs des missions, tant que le manque absolu ou le trop petit nombre de clercs indigènes rendra nécessaire le secours de ces laïcs, de ne choisir pour cette fonction que des hommes de moeurs irréprochables et d’une foi éminente. Du reste, pour la même raison, ils devront, par le moyen de ces hommes, consacrer tous leurs efforts à la formation d’un clergé indigène, de sorte qu’avec le temps ce soient plutôt de jeunes lévites et le nouveau clergé, qui soient pourvus de la charge de catéchistes et la remplissent avec plus de zèle.

VI. Comme dans quelques contrées de l’Inde les rites chrétiens orientaux, et surtout le Syro-chaldaïque sont en usage, dans le cas où parmi les catholiques il s’élèverait des controverses à ce sujet, les missionnaires devront observer exactement ce qui est contenu dans la sage constitution du saint Pontife Benoît XIV, commençant : Allatœ suant, donnée le 26 juillet 1755.

VII. Comme dans la constitution citée plus haut : Sacro sancti Apostolatus, Alexandre VII avertit autrefois les pasteurs de l’Inde qu’ils eussent à se garder de toute intervention dans les choses qui concernaient la politique séculière, la sacrée Congrégation, dans son instruction aux vicaires apostoliques de la Chine, insista en plusieurs endroits sur la même recommandation. Maintenant, des raisons plus graves encore portent à avertir et à exhorter vivement les missionnaires résidant sous les gouvernements de ces nations diverses, de ne s’immiscer jamais dans les affaires politiques et séculières, ni dans les passions des partis et des peuples ; car, par une semblable conduite, ils s’écarteraient des règles évangéliques, attireraient la ruine de leur propre vocation, et jetteraient peut-être eux-mêmes et la religion dans une foule de dangers.

VIII. Enfin, la sacrée Congrégation exhorte vivement dans le Seigneur ces mêmes supérieurs des missions, à tourner également leurs soins et leur sollicitude vers les autres institutions, non seulement utiles mais encore nécessaires, et d’y engager aussi les ouvriers placés sous leur juridiction, afin qu’il ne reste rien à désirer de ce qui concerne la perfection du ministère apostolique, et peut contribuer de plus en plus à procurer le salut des âmes. Telles sont certaines associations, qui se recommandent par l’assiduité à la prière, l’austérité de la pénitence, ou d’autres institutions, ayant pour objet de vaquer aux oeuvres de miséricorde et de charité chrétienne, institutions dont la loi catholique se glorifie d’avoir recueilli une multitude d’avantages. Entre toutes, on doit mettre au premier rang l’éducation religieuse et civile des enfants, garçons et filles, parce que rien ne saurait être imaginé ni établi de plus efficace pour accroître, perpétuer et embellir la foi catholique. À cette fin, rien ne doit être négligé pour se procurer les meilleurs maîtres, instituer les associations des femmes pieuses, afin d’ouvrir des écoles et des cours autant qu’il sera possible pour l’éducation de la jeunesse. La sollicitude doit veiller surtout à ce que les missionnaires, en développant aux fidèles les devoirs de la vie civile, ne négligent jamais de diriger leur caractère, leurs travaux et leurs arts suivant les voies de la doctrine évangélique. Parmi les moyens propres à avancer la propagation de la religion catholique, et à en consolider l’établissement, tous doivent comprendre qu’un des plus efficaces, sera de faire surgir des lieux mêmes les ressources temporelles des missions, afin que, dans l’occurrence où des événements imprévus amèneraient la diminution ou même la suppression des secours extérieurs, elles puissent suffire à leur entretien. Enfin, tous les supérieurs des missions devront faire leurs efforts pour célébrer souvent des assemblées synodales, car c’est le moyen le plus propre à conserver l’unité de foi et de discipline, et à établir surtout une parfaite uniformité de conduite et d’administration parmi les ouvriers, ainsi qu’un zèle ardent pour l’union entre tous les esprits. Enfin, il ne faudra pas craindre les travaux propres à rendre plus prompts et plus faciles les moyens de communication entre les missions et le Saint-Siège, pour maintenir ce lien si essentiel.

Cette instruction de la sacrée Congrégation, ayant été soumise à notre très saint Père le Pape, Grégoire XVI, par le soussigné, secrétaire de cette même Congrégation, dans une audience obtenue le 12 novembre, Sa Sainteté a daigné l’approuver dans tous ces points, et a ordonné qu’elle fût absolument observée.

Donné à Rome dans le palais de la sacrée Congrégation, le 23 novembre de l’an 1845.

J. Ph. Cardinal FRANSONI, Préfet.
Place du sceau.
JEAN, Arch. De Thessalonique, secrétaire.


FIN.

  1. Cette instruction de la sacrée Congrégation est à juste titre considérée comme présentant l’idée la plus complète qu’on puisse voir de la voie suivant laquelle doit s’établir une mission : de plus elle donne surtout à la question de la nécessité d’un clergé indigène l’autorité nécessaire pour vaincre tous les préjugés et couper court à toutes les réclamations qu’on pourrait élever sur ce sujet.



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